Dans la salle de toute évidence, difficile de faire face aux images sans réagir. Un homme vocifère, une dame applaudit par intermittence et l’on souffre un peu devant les témoignages qui se succèdent : tantôt des enfants victimes, tantôt des avocats, des journalistes, des experts mis de côté lors du procès ou encore Fabrice Burgaux, juge d’instruction en charge de l’affaire à l’époque, devenu le bouc émissaire de ce que l’on a appelé un fiasco judiciaire au moment des faits. C’est la première fois qu’il s’exprime publiquement depuis son audience par la commission d’enquête parlementaire en 2006. En tout, Ils sont une vingtaine à apporter leur témoignage, à travers des interviews séquencées.
« Un autre regard » sur les faits ?
Avec plus d’une dizaine d’années de recul, le réalisateur affirme apporter « un autre regard » sur l’affaire. La thèse vise avant tout à démontrer que le doute persiste quant à l’innocence des acquittés d’Outreau. On se souvient que 13 des 17 accusés avaient été acquittés après un ou deux procès. Serge Garde veut faire la démonstration de ce qu’il considère pouvoir qualifier d’une "instrumentalisation par le pouvoir politique dans le but de supprimer la fonction de juge d'instruction".
Les enfants, premières victimes du procès
Le documentaire aborde des faits qui n’ont pas été médiatisés à l’époque. Un seul exemple : lorsque certains acteurs tentent de justifier le bouleversement du tribunal lors du procès en assises de Saint-Omer. A cause du nombre trop important d’accusés, les enfants présumés victimes ont été placés dans le box des accusés tandis que les accusés ont pris la place du public… Autrement dit, une aberration, au moins au niveau symbolique. On est de fait assez mal à l’aise en écoutant les discours des professionnels qui tentent de se justifier.
Les avocats de la défense critiqués
Une méthode « contraire à la déontologie du métier », c’est ainsi qu’est présentée celle des avocats de la défense dans le film. Pressions exercées sur les présumées victimes lors des interrogatoires pendant les procès, commentaires sauvages à la presse visant à influencer l’opinion, la charge est assez lourde à leur encontre.
Le documentaire s’intéresse enfin au traitement médiatique de l’affaire, présenté pour résumer comme une sorte de parasitage permanent, qui aurait grandement participé au fiasco.
Controverse
On comprend dès lors que le documentaire n’ait pas fait l’unanimité : plusieurs voix se sont en effet élevées pour dénoncer un décryptage partial de l’affaire. L’avocat pénaliste Eric Dupond-Moretti a notamment qualifié le documentaire d’ « absolue malhonnêteté »
Ce dernier a cependant refusé de réagir lorsque Serge Garde l’a contacté.
Susie Bourquin