Dans son rapport d’activité annuel publié ce vendredi 26 avril, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) dresse le bilan de son activité en 2012. Année de son soixantième anniversaire au cours de laquelle 55 255 premières demandes de protection internationale (demande d’asile et demande du statut d’apatride) ont été déposées – ce qui le place au second rang des pays européens destinataires de demandeurs d’asile, après l’Allemagne (64 539 demandes) - ainsi que 6 213 demandes de réexamen. Les cinq principaux pays d’origine des primo-demandeurs sont la République démocratique du Congo (4 010 demandes), la Russie (2 873), le Sri Lanka (2 436), le Kosovo (2 084) et la Chine (2 035). Avec un délai moyen de traitement de 186 jours, sur les 46 267 décisions rendues par l’Ofpra (hors décisions sur mineurs accompagnants au nombre de 13 861) 4 348 ont été positives, soit un taux d’accord de 9,4%, auxquelles il faut ajouter les 5 628 admissions en appel par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
Vers une réduction des délais de traitement des demandes d’asile
Le rapport d’activité aborde également la question des réformes engagées visant à l’amélioration du traitement des demandes d’asile, du renforcement des moyens de l’Office, avec notamment le recrutement en 2013 de dix officiers de protection supplémentaires. Pascal Brice, nouveau directeur général de l’Ofpra, y évoque la signature prochaine avec l’État d’un contrat d’objectifs et de performances qui devrait notamment imposer de réduire la durée de procédure (sans compter la procédure d’appel auprès de la CNDA) à 3 mois, suite à l’engagement de François Hollande de ramener le délai de traitement des demandes d’asile à six mois. Délai qui devrait toutefois se rallonger après la transposition de la directive européenne « Procédures », en cours de négociation, qui devrait introduire la présence d’un tiers lors des entretiens (un avocat, une association ou un travailleur social) et qu’il qualifie d’ « évolution positive pour la garantie des droits des demandeurs et pour la crédibilité des décisions de l’Office ». Face à la polémique sur la tutelle exercée par le ministère de l’Intérieur depuis 2010 – elle revenait au Ministère des Affaires étrangères jusqu’en 2007, date à laquelle elle a été transférée au ministère de l’Immigration - Pascal Brice précise que la « politique de l’asile [est] désormais détachée de la politique migratoire ».
Le « parcours du combattant des demandeurs d’asile »
Plus qu’une réforme interne à l’Ofpra, c’est une « réforme en profondeur » de la procédure d’asile et du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile, un « système à bout de souffle » - afin de « restaurer un accueil digne et respectueux » et que « l’asile soit un droit réel » pour les personnes qui tentent d’échapper aux persécutions dans leur pays - que réclame le milieu associatif. La Coordination française pour le droit d’asile – groupement d’associations françaises spécialisées sur la défense du droit d’asile telle que la Cimade - a elle aussi dressé un « État des lieux sur le droit d’asile et les conditions d’accueil en France en 2012 » ainsi qu’une liste de quinze « conditions minimales pour que l’asile soit un droit réel », considérant que « la course à la réduction des délais et la lutte contre les détournements de procédure doivent céder la place à une réflexion d’ensemble pour assurer l’accueil et la protection des réfugiés grâce à une procédure efficace et équitable ». Elle dénonce le « parcours du combattant » des demandeurs d’asile, « tout cela pour un coût de plus en plus élevé alors que le service rendu aux demandeurs d’asile est de plus en plus défaillant ».
Une réforme basée sur les « principes de justice et de dignité » selon le directeur général de France terre d’asile
Une « désorganisation du dispositif d’accueil » et un « recul de l’esprit civique » que regrette également France terre d’asile, par la voix de son directeur général, Pierre Henry. S’il salue le « souffle nouveau » que souhaite donner le nouveau directeur général de l’Ofpra et l’annonce par le Premier ministre, en décembre 2012, de la création de 4 000 places dans les Centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA), il déplore que rien n’ait bougé en un an et considère qu’une réforme basée sur les « principes de justice et de dignité » est « absolument indispensable pour la survie du système ».
Cette réforme devrait reposer sur « quatre piliers » selon Pierre Henry. Il s’agira de faciliter l’accès à la procédure ; de veiller à la qualité de la décision, avec une réflexion sur l’implication de la société civile et la mise en place d’outils de repérage de vulnérabilité ; d’aboutir à « un délai de traitement raisonnable et acceptable », qu’il estime à un an (procédure d’appel comprise) et enfin de renforcer la qualité de l’accompagnement, notamment en « préservant l’acteur associatif », dont il souligne le « rôle remarquable » et dont les capacités ne doivent pas être remises en cause. Il ajoute que la question des demandeurs déboutés doit être traitée et qu’il faut remédier à ce qui apparaît comme l’ « impuissance des politiques publiques ». Pour le directeur général de France terre d’asile « une réforme de l’asile est urgente, nécessaire et attendue ».
Anne-Laure Chanteloup
Pour en savoir plus :
Rapport d’activité annuel (l’Office français de protection des réfugiés et apatrides)
Le « parcours du combattant » des demandeurs d’asile (par Caroline Moisson, AllGov France)
Coordination française pour le droit d’asile
État des lieux sur le droit d’asile et les conditions d’accueil en France en 2012 (Coordination française pour le droit d’asile)
Conditions minimales pour que l’asile soit un droit réel (Coordination française pour le droit d’asile)
Immigration : trois questions au nouveau directeur de l’Ofpra (Propos de Pascal Brice recueillis par Charlotte Plaintive, Libération)
Catastrophe humanitaire en RDC (par Anne-Laure Chanteloup, AllGov France)