Aurélie Filippetti, passionaria de l’exception culturelle

mercredi 22 mai 2013

L’exception culturelle vaincra. C’est un peu le combat auquel la ministre de la culture Aurélie Filippetti s’est attelée. En cause ? Les dernières déclarations de la commission européenne par la voix de son président, José Manuel Barroso, chaud partisan du partenariat de commerce et d'investissement entre l'Europe et les Etats-Unis qui a affirmé la semaine dernière que l'exception culturelle ne serait pas renégociée tout en estimant que le secteur audiovisuel doit bel et bien faire l'objet de discussions. Vraie passionaria, la  ministre a réagi sans équivoque possible lors d’une conférence de presse donnée à Cannes lundi, en martelant : « L'exception culturelle est une ligne rouge et la France n'acceptera pas que, dans le mandat de négociation de la Commission européenne, ne soit pas inclus le principe de la défense de l'exception culturelle, incluant les services audiovisuels, ce n'est pas négociable pour nous ».

Si l’exception culturelle est un concept en droit international et en politique culturelle qui comprend un ensemble de dispositions faisant  de la culture une exception dans les traités internationaux, notamment auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en France cette exception n’est pas du tout un épiphénomène. L’Hexagone a en effet renforcé le concept  en le liant au principe de diversité. En bref, une position de défense des arts nationaux contre une industrie américanisée considérée comme dangereuse pour la diversité. L'un des outils majeurs utilisés par la France pour lutter contre ce danger est la mise en place de quotas : le décret Tasca du 17/01/1990 qui pose deux types de quotas pour le cinéma et l'audiovisuel et la loi du 01/02/1994 qui impose des quotas aux radios françaises quant à la diffusion des titres francophones.

D’ailleurs, le rapport Lescure « Acte II de l'exception culturelle à l'ère du numérique », remis à François Hollande le 13 mai dernier réaffirme cette protection de l'exception culturelle. On peut y lire notamment qu’il « convient de défendre avec force, dans les négociations commerciales bilatérales et multilatérales, la spécificité du traitement des services culturels ». Des propos militants que le rapport étaye ensuite : « Cette spécificité est à la fois la traduction de l'exception culturelle, consacrée en 1994 lors de la création de l'Organisation mondiale du commerce, et la condition de la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, dont la Convention de l'Unesco signée en 2005 souligne le caractère essentiel ».

On ne plaisante pas avec l’exception culturelle.

Or, les Etats-Unis et l'Union européenne sont convenus en février de lancer d'ici juin des négociations en vue de conclure un pacte commercial visant à élargir non seulement les échanges de part et d'autre de l'Atlantique mais aussi de contribuer à l'élaboration de règles à vocation internationale, en matière de protection du droit d'auteur ou de lutte contre le piratage par exemple. Les Vingt-Sept doivent se mettre d'accord à la majorité qualifiée avant le 14 juin sur le mandat de négociation à donner à la Commission européenne. Qualifier la réaction du président du Centre national du cinéma de vive revient sans doute à faire de la diplomatie avec la réalité. Eric Garandeau n’a pas pris de pincettes lorsqu’il a affirmé à son tour lundi à Cannes que « La Commission ne comprend pas et ne respecte pas l'exception culturelle. Nous pensons même que la Commission européenne est en train de piétiner l'exception culturelle ». Avant de donner l’estocade en tranchant : « Aujourd'hui le droit de la concurrence s'est érigé en monopole de la pensée, le marché unique a abouti à la pensée unique ». 

Une offensive qui ne coulera certes pas dans les eaux bleues de la Méditerranée puisque la France n'est pas isolée sur ce dossier. Elle a obtenu la semaine dernière le soutien de la moitié des Etats membre de l'Union européenne pour exclure la culture des négociations. Ayant souligné vendredi dernier devant ses collègues européens que l'UE n'avait aucun intérêt à voir figurer les services audiovisuels dans la négociation, la ministre de la Culture a observé lundi, devant des journalistes, que si l'on ouvre ces services à la concurrence « l'ensemble du secteur européen sera laminé, et laminé très vite ». On attend la suite…

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

L'exception culturelle

Décret Tasca du 17/01/1990

La loi du 01/02/1994

L'Organisation mondiale du commerce

Centre national du cinéma

 

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