Un studio immense et incurvé dont le revêtement blanc et à effet gaufré accentue encore la grande froideur. Et juste au milieu de cette immensité, deux hommes qui paraissaient minuscules comme écrasés par le décor et dont les visages se reflètent comme des panneaux publicitaires, sur de grands écrans. Le président de la République, François Hollande. Et face à lui, le journaliste David Pujadas. Et il faut bien en convenir, au niveau de la communication, l’intervention est déjà ratée. A l’heure des réseaux sociaux et des questions pressantes qui s’y bousculent, le format un journaliste, un président ne fonctionne plus.
Si l’on fait abstraction de la forme, sur le fond, le président a été meilleur. Il a admis avoir sous estimé la durée de la crise et s’est posé en chef de guerre, rôle qui depuis le Mali, lui a, semble-t-il, donné un coup de fouet. « On est en bataille, je suis le chef de cette bataille. J'avance. Car j'ai ce cap, c'est la croissance» a-t-il martelé. Et de fait, la voie qu’il a déroulé hier soir est bonne. Il n’a pas affirmé comme ses prédécesseurs depuis 20 ans qu’il fallait soutenir la croissance en soutenant la consommation des ménages et en distribuant de l’argent que l’Etat ne possède pas. Mais le Président Hollande a parlé d’économies, de compétitivité, d’entreprises et de baisses de charges comme l’aménagement de la fiscalité en cas de cession ou de transmission. On peut regretter toutefois, le manque de puissance du discours et l’absence d’annonces plus fortes sur les baisses de charges et les économies, alors que certains départements français œuvrent en ce sens comme l’Alsace qui est en train de fusionner ses deux départements.
Des durées de cotisations plus longues à venir
En bref, ce discours n’a pas créé la surprise car il prolongeait le « cap » fixé dans les diverses interventions du chef de l’Etat, une position qu’il a d’ailleurs réaffirmé hier soir : « Je ne change pas de cap à chaque coup de tempête. J'ai les reins solides ». Par contre, François Hollande a créé la surprise sur les dossiers des retraites et des allocations familiales en devançant les conclusions de comités saisis par le gouvernement. Cette année, le gouvernement va en effet, engager une nouvelle réforme du régime général des retraites et le chef de l’Etat a prévenu contre toute attente : « il va falloir avoir des durées de cotisation plus longues » car « on vit plus longtemps, l'espérance de vie s'allonge ». « Ce sera l'objet de la négociation avec les partenaires sociaux », a-t-il ajouté en prévenant toutefois : « mais nous n'en aurons pas fini pour autant », sans plus de détails ni de précisions sur les autres moyens. Sur le sujet, la Commission pour l'avenir des retraites, présidée par Yannick Moreau, doit élaborer d'ici juin des pistes. Sur le financement du régime dont le déficit pourrait atteindre plus de 20 milliards en 2020, les deux leviers possibles sont le niveau des cotisations et des pensions.
Avec un bémol pourtant, car à cause des précédentes réformes, la durée de cotisation augmente de façon régulière selon l'année de naissance. Ainsi, une retraite à taux plein pour la génération née en 1995, est de 166 trimestres, soit 41,5 ans. Le chef de l'Etat est resté vague sur l'ampleur de l'effort financier à venir, rappelant que la réforme de 2010, qui a repoussé à 62 ans l'âge légal de départ, avait été « annoncée comme la dernière » par Nicolas Sarkozy et qu'elle n'avait pas empêché les déficits de se creuser.
Comme on pouvait s’y attendre, le secrétaire général de Force ouvrière Jean-Claude Mailly a tout de suite réagi sur France 2 en affirmant que « les gens ne sont pas prêts à travailler plus longtemps » en affirmant que cette proposition était un « casus belli. La hache de guerre est-elle à nouveau déterrée ? François Hollande a tenté de modérer la pression en mettant en valeur l’action des partenaires sociaux qui avaient été « très responsables » en prenant « des mesures très courageuses » pour l'avenir des retraites complémentaires. Leur accord du 13 mars avait, en effet, entériné une baisse du pouvoir d'achat des retraités.
Réduction des alloc’ pour les ménages les plus aisés
Sur les allocations familiales, le président de la République a aussi créé la surprise au moment même d’une nouvelle fronde du sénat qui a voté jeudi, à 330 voix contre 16, un texte UMP sur les allocations familiales. Il prévoit la suppression de ces dernières et de l'allocation de rentrée scolaire pour les familles ayant perdu la garde de leurs enfants par décision de justice. Aujourd'hui, les allocations familiales sont versées à tous les foyers, sans condition de ressources, à partir du deuxième enfant, un principe auquel la droite et les associations familiales sont particulièrement attachées. Sans attendre les préconisations du Haut conseil de la famille (HCF), prévues le 4 avril, François Hollande a promis « des économies » pour ramener à l'équilibre la branche famille de la sécurité sociale, dont le besoin de financement est évalué à 2,2 milliards d'euros à l'horizon 2016. Le président de la République a notamment promis de revoir le niveau d'allocations pour les ménages les plus aisés.
Le chef de l'Etat a indiqué que les « réajustements » obéiraient à « deux principes » : pas de fiscalisation des allocations et le maintien de l'universalité. Avec toutefois, cette nuance sous forme d’assertion : « que les plus hauts revenus aient les mêmes allocations, non! Ça sera revu ». Le président a en effet, réaffirmé son attachement aux allocations familiales « universelles », nées avec la Sécurité sociale après la Seconde guerre mondiale et réputées soutenir la natalité. « Nous avons depuis des années le plus fort taux de natalité d'Europe », c'est « un sujet de satisfaction », s’est réjouit François Hollande pour qui une fiscalisation des allocations serait « absurde ».
Ces dernières semaines, des députés socialistes avaient avancé une série de pistes, dont la réduction de moitié des allocations pour un foyer avec deux enfants dont les revenus annuels dépasseraient 53 000 euros, et un peu plus de 61 000 euros pour les familles de trois enfants. Selon les députés socialistes Gérard Bapt et Pascal Terrasse, cette mesure concernerait 11 % des familles.
Véronique Pierron