En mai 2012, lorsque Manuel Valls a pris ses fonctions de ministre de l’Intérieur, il avait clairement exprimé son opinion quant à la politique du chiffre en matière de sécurité. Il disait vouloir rompre avec cette « course effrénée aux chiffres ». En avril, des députés critiquaient d’ailleurs les outils de mesure de la délinquance. Vendredi, un nouveau rapport a été remis au ministre de l’Intérieur. Commandé en février par Manuel Valls, le texte de l’Inspection générale de l’administration (IGA) de quelque 300 pages dresse un constat au vitriol contre la « politique du chiffre » menée par l’ancien gouvernement. Et dénonce de nombreuses « dérives » dans la comptabilité des faits de délinquance dans l’Hexagone « depuis 2006 ou 2007 » et parle d’ « anomalies » et de « manipulations » dans les statistiques.
D’emblée, l’IGA attaque : « Le management par objectifs de la délinquance, connu sous la dénomination de politique du chiffre, a largement contribué à cette absence ou ce désengagement du contrôle de l'enregistrement des plaintes par la hiérarchie. » Avant d’ajouter que « les chefs de service, placés entre l’injonction d’afficher de bons résultats et l’impératif de contrôler la bonne application du guide de méthodologie statistique, privilégiaient souvent la première option ». Le rapport poursuit : « Certaines directives de l’administration centrale ont pu contribuer à minorer fortement les statistiques de la délinquance en généralisant des pratiques d’enregistrement non conformes ». Comprendre donc que certaines plaintes n’auraient pas été enregistrées lorsque les objectifs chiffrés étaient atteints. Quelque « 130 000 faits » ont ainsi été sortis des statistiques « dès 2007 et les années suivantes » selon l’IGA, qui cite deux directives de la direction centrale de la sécurité publique.
Par ailleurs, le rapport de l’Inspection générale de l’administration revient aussi sur l’explosion des chiffres de la délinquance entre 2011 et 2012 en zone gendarmerie et permet en partie de la comprendre. La mise en place du logiciel Pulsar au début de l’année dernière « a produit une rupture statistique » et a « impacté les chiffres à hauteur de 35 000 à 50 000 faits annuels, soit 3,5% à 5% de la hausse de la délinquance en zone gendarmerie ». Et pour l’IGA, « une rupture de même nature » n’est pas à exclure pour les chiffres de la police nationale.
L’année dernière, Manuel Valls a annoncé la mise en place d'un nouvel outil statistique de la mesure de la délinquance. L’Inspection générale de l’administration fait aussi une série de recommandations, et notamment « instaurer un contrôle de l’enregistrement des plaintes ». Elle s’est aussi prononcée pour la création d’un Service statistique ministériel.
Caroline Moisson
Pour en savoir plus :
Des députés critiquent les outils de mesure de la délinquance (par Violaine Badie, AllGov France)
Rapport sur l'enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure (Ministère de l’Intérieur)