Elle s’est réunie mardi et a convoqué trois poids lourds du gouvernement : Moscovici, Valls et taubira. Elle, c’est la fameuse commission parlementaire installée le 15 mai et chargée de faire la lumière sur la gestion par le gouvernement de l'affaire Cahuzac. Sa mission est de chercher à établir « d'éventuels dysfonctionnements dans l'action du gouvernement et des services de l'Etat », entre le 4 décembre 2012, date de la publication par Mediapart d'informations sur l'existence d'un compte en Suisse détenu par Jérôme Cahuzac, et le 2 avril 2013, jour de ses aveux. Et voici l’affaire Cahuzac à nouveau sous les feux de la rampe. Telle la mouche du coche, tout au long des deux auditions, les députés ont pressé la ministre de la justice Christiane Taubira et son collègue à l’intérieur Manuel Valls, d’expliquer pourquoi, ils n’avaient pas alerté la justice à propos des informations publiées par Médiapart. La commission s’est basée sur l’article 40 du code de procédure pénale qui prévoit qu’un représentant de l’Etat est tenu de se signaler auprès du procureur de la République s'il « acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit ».
Le député Georges Fenech, membre de la commission a alors insisté sur le fait que ministre de l'Intérieur pouvait charger les services de renseignement d'enquêter sur Jérôme Cahuzac à partir des informations de Mediapart. C’était sous estimer la maitrise de la répartie d’un Manuel Valls, un peu ironique : « Votre question est intéressante, mais avec tout le respect que je vous dois, elle montre une profonde méconnaissance du renseignement », a-t-il répliqué. « Ca aurait été une faute de demander une enquête sur des informations de presse. Ca peut être votre conception. Ca n'est pas la mienne », a poursuivi le ministre de l'Intérieur.
Christiane Taubira en pleine forme
Un peu plus tôt, c’était au tour de Madame Taubira d’être mise sur le grill et fidèle à elle-même, elle ne s’est pas laissée faire et a eu de vifs échanges avec plusieurs membres de la commission en leur reprochant de faire un procès à l’action du gouvernement. « Si dans cette commission, les questions des députés concernent le fond des sujets, je réponds sur le fond des sujets (...). Si (...) un député choisit de faire un procès de mise en cause du CSM (Conseil supérieur de la magistrature) ou d'opportunisme de la part du gouvernement, je réponds sur le ton qui convient », a déclaré quelque peu énervée, la ministre à qui l'on venait de reprocher son ton « agressif ». Le député UMP Daniel Fasquelle lui a répondu : « Pour moi, il y a dysfonctionnement dans le fait que le pouvoir en place a été informé et qu'il n'a pas mis en œuvre la justice ».
Mais là, le sang chaud de Christiane Taubira n’a fait qu’un tour : « Je vois bien où voulez en venir, c'est-à-dire charger le président de la République de choses qui ne relèvent pas de lui, charger le gouvernement (...) d'enquêtes judiciaires qui ne relèvent pas de lui ». Et poursuivant sur ce même ton, Mme Taubira a répondu à une question de M. Fenech : « Que ça vous étonne ou que ça vous déplaise, (...) je n'ai jamais parlé de cette affaire, ni avec M. Valls, ni avec M. Moscovici » et elle a poursuivi toujours aussi vive et en haussant la voix : « Je suis en charge de la justice. Ma responsabilité, c'est que la justice fonctionne. Et il se trouve qu'elle a bien fonctionné, qu'elle a été efficace, qu'elle a été diligente ».
L’arrivée du ministre de l’économie
Puis toute l’attention s’est reportée sur le ministre de l’économie. Et avant même d’arriver devant la commission en fin d’après midi, Pierre Moscovici était déjà sur le grill. Dès l’ouverture des auditions le 21 mai, le président de la commission, Charles de Courson (UDI) avait déclaré : « L'une des questions que nous devons trancher, c'est l'attitude du ministre de l'Economie ». Déjà, la commission a interrogé M. Moscovici à propos d’une réunion survenue le 16 janvier et au cours de laquelle, il avait informé le président de la République, François Hollande, et le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, de la possibilité d'utiliser la procédure d'entraide administrative avec la Suisse. Une réunion qui s’était tenue en présence de M. Cahuzac.
Le ministre de l’économie a admis l’existence de la réunion, il a précisé que le président et le Premier ministre avaient « accepté le principe » de la demande faite à la Suisse sur l'existence d'un compte de M. Cahuzac dans la banque UBS. L’ex ministre du budget s’était montré serein et avait « demandé que la demande puisse couvrir la période la plus large possible » a raconté Pierre Moscovici. Pour plus de clarté M. Moscovici avait été informé de la réponse de la Suisse lorsqu'elle est parvenue au directeur général des finances publiques Bruno Bézard le 31 janvier. Il a pu la consulter sur la tablette électronique de ce dernier. Quant à Jérôme Cahuzac, il en a été informé par ses conseils en Suisse, eux même informés par les autorités helvétiques, a précisé le ministre de l'Economie.
Retour à la commission. Le centriste Charles de Courson a immédiatement soulevé cette question épineuse : « Cela ne vous choque pas que la personne concernée soit associée à la procédure ? », a-t-il demandé. Mais le ministre de l’économie ne s’est pas laissé démonter non plus et a rétorqué : « Le mot ‘associé’ est impropre, il a été informé sans que son avis n'ait été demandé » au sujet de la demande d'entraide. « Jérôme Cahuzac n'a évidemment pas été informé du moment où la demande a été lancée » et n'a « jamais été informé de la réponse, qu'il n'a jamais détenue, ni moi », a argué le ministre. Le ministre a ensuite fait valoir que « La muraille de Chine a parfaitement fonctionné », a déclaré M. Moscovici au sujet de la directive signée par le ministre délégué au Budget lui-même pour être exclu de toutes les questions concernant les mesures prises à la suite du scandale.
Véronique Pierron
Pour en savoir plus :
L’affaire Cahuzac par Médiapart (Mediapart)
l’article 40 du code de procédure pénale
Le Conseil supérieur de la magistrature (site officiel)