Le Front national obtient 25% des votes contre 15% lors des dernières élections cantonales de 2011. Même si le Parti frontiste n'est pas devenu – comme le souhaitait Marine le Pen – le premier parti de France, il enregistre une dynamique sans précédent. Le directeur de Libération, Laurent Joffrin, minimise dans son édition de lundi cette victoire. Selon lui, « la grande marée n'a pas eu lieu » puisque « les partis républicains ont mieux résisté que prévu à la montée du FN ». Et Alexis Brézet du Figaro va encore plus loin dans l'analyse rappelant que « le FN ne progresse pas par rapport aux Européennes ». Progression ou non, le résultat est historique pour le Front national qui réalise le meilleur score de son histoire dans une élection, qui plus est une élection locale. Le FN est en tête dans 43 départements sur 98 et emporte dès le premier tour quatre départements, à savoir l'Aisne, la Somme, l'Oise et la Haute-Marne. Politiques, journalistes, instituts de sondage tentent étrangement de se rassurer au lendemain d'une élection qui a des airs de 21 avril.
Ce sont ces mêmes politiques, journalistes et instituts de sondages qui depuis des semaines brandissent la menace frontiste, éclipsant au passage la campagne des départementales. Menace qui a permis, dimanche soir, au FN d'obtenir un score historique et de polariser les débats sans avoir à battre le pavé. « J'ai toujours dit que réussir à faire le score des Européennes (25%) était un triomphe, et on dépasse ce score », explique Marine le Pen dans un entretien accordé au journal Le Monde. « C'est un très grand exploit », ajoute celle qui surfe désormais sur un score historique à des élections locales et qui appelle le Premier ministre à prendre ses responsabilités. Un Premier ministre qui, dès l'annonce des résultats dimanche soir, a estimé que le score était honorable. « Les formations républicaines ont tenu leur place » et l'extrême droite n'est pas la première formation politique de France. « Je m'en félicite, car je me suis personnellement engagé », a ajouté Manuel Valls depuis l'hôtel Matignon.
Déroute électorale pour la majorité
Première formation de politique de France ou non, le FN a ravi la seconde place au Parti socialiste. Jamais le PS n'avait, au cours d'élections locales, perdu autant de sièges. Depuis vingt ans, la gauche n'a eu de cesse de remporter des victoires départementales passant de 23 départements en 1994 à 61 lors des dernières élections de 2011. Pourtant l'absence de consensus et les divisions entre les différents partis de gauche pourraient avoir des conséquences importantes au soir du second tour, dimanche 29 mars. La gauche pourrait perdre une trentaine de Conseils généraux. Le Premier ministre a tenté de rassurer ses partisans lundi matin sur les ondes de RTL. « Le FN n'est ni le premier, ni le deuxième parti politique de France. Le PS et ses alliés sont au-dessus », puisque la gauche obtient environ 35% des votes (24% pour le PS, 6,5% pour le Front de gauche et 1,9% pour les Verts …). Il a pourtant dû reconnaître que le Parti socialiste venait d'être éliminé dans environ 500 cantons (524 exactement) sur 2054. S'il a reconnu des divisions « dans le Nord, en Corrèze et dans l'Essonne », le Premier ministre a souhaité une mobilisation républicaine pour faire barrage à l'extrême droite au second tour. « J'appelle chacun à adopter une position claire et à faire voter pour le candidat républicain de gauche, ou de droite quand il fait face seul à l'extrême droite ».
Ni Front national, ni candidats de gauche
Un appel non partagé par Nicolas Sarkozy. L'UMP-UDI-MoDem est arrivé largement en tête des formations avec 32,5% des voix et 220 candidats élus dès le premier tour. Le nouveau patron de l'UMP depuis son élection en décembre dernier, a indiqué quelques minutes après les premiers résultats que dans un grand nombre de départements, « les conditions d'un basculement massif en faveur de la droite et du centre sont réunies ». Et d'ajouter, « si nos compatriotes se sont détournés de la gauche, c'est parce qu'ils ont l'intime conviction que depuis trois ans on ne cesse de leur mentir ». L'ancien chef d'Etat a entendu l'« exaspération » des électeurs qui ont voté pour l'extrême droite, cela n'apporte selon lui « aucune réponse ». « Les candidats de la droite républicaine et du centre ont vocation à rassembler tous les Français », a-t-il estimé. « Dans les cantons dans lesquels nos candidats ne sont pas présents au second tour, l'UMP n'appellera à voter ni pour le FN, avec lequel nous n'avons rien en commun, ni pour les candidats de gauche, dont nous combattons la politique ». De nombreux ténors de la droite se sont félicité de cette victoire qui renforce leur chef de file à la tête de l'UMP pour son premier test électoral. « Nicolas Sarkozy a été capable de rassembler le partir et d'être un bon chef d'orchestre pour cette campagne », a estimé le porte-parole du parti.
Vanessa Gondouin-Haustein
Pour en savoir plus :
Résultats officiels (Ministère de l'Intérieur)
Large victoire de la droite (Le Monde)
"Nous avons délogé le PS" (Le Monde)