La façade blanc-rosée rehaussée de grandes fenêtres du palais de l’Elysée découpée dans un beau ciel d’été. Dans un coin ombragé du parc, une grande table où sont attablés claire Chazal, Laurent Delahousse et le Président de la République. En bref, une belle journée d’été pour une interview du 14 juillet en forme de garden party. C’est là que pendant 35 minutes, François Hollande s’est attaché à redonner confiance en promettant une reprise économique dans les prochains mois. « La reprise est là », a assuré le chef de l’Etat. Et dans ce même esprit de pédagogie, il a aussi expliqué que de nouvelles hausses d’impôts seraient possibles. Au final, on a vu se profiler un François Hollande qui avait réussi à rentrer complètement dans son habit de Président de la République ne serait-ce que par le retour de l’interview du 14 juillet dans l’enceinte de l’Elysée.
Après avoir ouvert l’entretien par la catastrophe ferroviaire de Brétigny sur Orge, le chef de l’Etat était bien entendu attendu sur les questions économiques et sociales. Il s’est attelé dans un premier temps, à combattre le pessimisme qui caractérise les Français, le fameux « french bashing ». « Pour qu’il y ait de la croissance, il faut de la confiance ! Les Français doivent se dire qu’ils sont dans un grand pays et nous ne devons pas céder au dénigrement de nous même et au pessimisme » a martelé le chef de l’Etat. Alors que les journalistes lui ont rappelé avec perfidie qu’il était au plus bas dans les sondages, il a rétorqué qu’il ne cherchait pas à être « populaire » mais qu’il continuait à compter sur la montée en puissance des outils mis en place depuis 2012, comme les emplois d'avenir ou les contrats de génération, pour atteindre l'objectif d'inversion de la courbe du chômage, un « engagement » qu'il a réaffirmé.
Lutter contre le chômage, « ce n’est pas de la magie »
« Ce que je propose, c’est qu’on agisse pour la France dans 10 ans. Ce n’est pas mon quinquennat qui est en cause », a insisté le chef de l’Etat. Et sur ces mesures de lutte contre le chômage, il a d’ailleurs rétorqué : « Moi, je me bas. Je n’invente pas une mesure de plus parce que je suis devant vous. Ce ne serait pas crédible. » Il a ensuite confirmé qu’il y aurait 100 000 emplois d’avenir d’ici la fin de l’année et 70 000 contrats de génération en début d’année prochaine. Il a ensuite assuré que pour les 35 000 postes qui ne trouvent toujours pas preneur à Pôle emploi, il allait permettre aux chômeurs de se former afin d’accéder à ces emplois vacants. « La politique, ce n'est pas de la magie, ce n’est pas un tour de passe-passe, c'est une volonté, une stratégie, une cohérence », a expliqué volontaire M. Hollande.
Quant à la reprise, le président a assuré que l’économie allait vers une hausse grâce notamment à « une production industrielle qui repart ». « Nous sommes le pays industriel en Europe où elle est le plus rapidement repartie depuis trois mois », a-t-il ajouté avant d’admettre : « Ca repart, c’est très léger mais nous avons l’assurance que le second semestre sera meilleur que le premier.» Timide regain de croissance qui bénéficiera à la France pour relever les défis qui l'attendent « dans les dix ans » avec, en premier lieu, un gage aux partenaires écologistes, la « transition énergétique », ainsi que l'économie numérique.
De possibles hausses d’impôts
François Hollande s'est montré plus ambigu concernant d'éventuelles hausses des prélèvements l'année prochaine. « Vous croyez que c'est agréable, quand on arrive au pouvoir d'augmenter les impôts? » a-t-il dit. « J’hérite d’une situation où il y a 600 Md€ de dettes, un déficit qui n’est pas comblé, des créances qui nous obligent ». «Nous avons et allons faire des économies», a promis le chef de l'État qui a demandé au premier ministre d'en faire, dans le budget 2014, «autant que possible». D'ailleurs «il y aura moins de dépenses en 2014 qu'en 2013», a-t-il promis: 1,5 Md€ de moins pour l'État, hors charge de la dette et pension, 100 M€ si l'on réintègre ces éléments. « Je ne ferai d'augmentation d'impôts que si elles sont absolument indispensables », a-t-il lâché avant d’ajouter : « Dans l'idéal, le moins possible. » « Et la question reste celle-ci : que sera la France dans 10 ans quand j’en aurai vraiment fini ? Je ne veux pas simplement gérer les peaux de chamois, c'est-à-dire l’urgence. Je veux qu’une trace soit fixé et qu’un dessin soit fait », s’est-il défendu. « Je veux une France souveraine », a insisté François Hollande.
Epineuse retraite
Autre sujet épineux sur lequel le chef de l’Etat est intervenu : la réforme des retraites. « La réforme des retraite est nécessaire » en raison de l’espérance de vie qui s’allonge et du déficit de 20 Md€. Il a ainsi réaffirmé qu’elle passerait par « un allongement de la durée de cotisation » de 41,5 ans pour la génération 1955 pour une retraite à taux plein, ajoutant que « chacun sera appelé à des efforts ». « Je n'ai jamais caché cette position », a-t-il dit. Poursuivant sur ce plaidoyer, il a marqué sa volonté pour « définir maintenant les modalités d'une réforme durable » pour les retraites, tout en ne prétendant pas « le faire pour toujours ». Il met cependant en garde car « des mesures immédiates » seraient sans doute nécessaire en raison de « l'ardoise de 20 Md€ prévue en 2020 ». « Il y a un déficit de 20 Md€, a-t-il expliqué. On ne va pas l'effacer d'un seul coup mais nous devons prévoir des financements et des économies qui permettront de l'effacer. Et il y a la justice à introduire », a-t-il ajouté, évoquant « des métiers plus pénibles que d'autres », des petites retraites ou encore la situation de certaines femmes. « Moi je ne veux pas faire comme un certain nombre de mes prédécesseurs et laisser les ardoises pour les autres. Les ardoises il faut les effacer soi même ».
Sujets de polémique politicienne
Enfin, les deux journalistes ont enfin abordé des sujets de politique plus… politicienne. Revenant sur le limogeage de Delphine Batho, le président a rendu hommage à son ex-ministre, une « femme de qualité qui a des convictions » mais qui s'est mise hors-jeu en contestant le budget. « Cela ne m'a pas fait plaisir mais c'est la règle », a commenté M. Hollande, car « la seule ligne » à ne pas franchir, c'est « le budget ». Puis ciblant directement le bouillonnant Arnaud de Montebourg qui a « dérapé » la semaine dernière avec le gaz de Schiste, le président a rappelé qu’il n'y a pas « de statut particulier » parmi les ministres.
Les journalistes ont ensuite cuisiné le Président sur son ex rival. Et à la question « Craignez-vous le retour de Nicolas Sarkozy ? », François Hollande a rétorqué : « Non. M. Sarkozy peut parfaitement être de nouveau candidat ». Après avoir assuré que ce n’était pas sa « préoccupation » du moment, il a souligné : « Je ne me mêle pas de la vie politique au sens de l’opposition ». Enfin, sur l’affaire Tapie, il a été aussi bref en lâchant : « Lorsqu’il y a une décision de justice, une instruction ou un jugement, Il faudrait cesser de penser qu’il y a un complot ». Par contre, M. Hollande s’est montré très inquiet sur la montée du Front national qu’il a jugé d'une « extrême gravité ».
Véronique Pierron
Pour en savoir plus :
La catastrophe ferroviaire de Brétigny sur Orge (Le Point)
Les sondages catastrophe de François Hollande (France Télévisions)
Les emplois d’avenir (Ministère du Travail)
Les contrats de génération (Ministère du Travail)