Najad Vallaud-Belkacem était chaudement attendue hier à Paris. Devant le Palais de la Découverte où la ministre de l’Education nationale venait expliquer sa stratégie pour rendre les mathématiques plus attractives, notamment par des cours de bridge, une cinquantaine d’élèves et de professeurs de Seine-Saint-Denis brandissaient des pancartes « Touche pas à ma ZEP ». Un des enseignants du collège Paul Eluard à Montreuil interpelle la ministre : « Pourquoi est-ce qu'on ne garderait pas nos maigres moyens qui nous permettent de fonctionner à peu près correctement ? ». Chahutée, la ministre lui répond : « Je laisse évidemment de la marge de manoeuvre aux recteurs pour s'adapter à la réalité locale, mais ce qu'il faut que vous compreniez, c'est que si on fait cette réforme de l'éducation prioritaire, c'est pour actualiser une carte », avec des établissements qui rentrent et d'autres qui sortent ».
Et voilà tout le nœud du problème. La refonte de l’éducation prioritaire mise en place sous l’ancien ministre de l’éducation nationale Vincent Peillon, a débuté à la rentrée 2014 dans 102 réseaux - écoles et collèges - baptisés REP +. Ils auront davantage de moyens. Elle concerne pour l’instant 20 % des élèves et concernera à la rentrée 2015, 350 réseaux. Ces REP+ concernernent des quartiers ou des secteurs isolés qui connaissent les plus grandes concentrations de difficultés sociales ayant des incidences fortes sur la réussite scolaire. Les REP regrouperont quant à eux, les collèges et les écoles rencontrant des difficultés sociales plus significatives que celles des collèges et écoles situés hors éducation prioritaire.
Une nouvelle carte anxiogène
La réforme instaure ainsi une nouvelle carte de ces nouvelles REP et anciennes ZEP et fait donc une différence entre les ultras prioritaires REP+ et les moins prioritaires REP alors que des établissements aujourd’hui en ZEP sortent de l’éducation prioritaire. Ces 350 réseaux en constituent donc le noyeau dur et au-delà, l’éducation prioritaire comprendra toujours un millier de réseaux. La réforme prévoit ainsi un accompagnement pour les élèves de sixième comme l’aide aux devoirs, le soutien méthodologique ou le tutorat, l’encouragement de l’innovation pédagogique, des primes augmentées pour attirer et garder les enseignants dans les établissements les plus difficiles. Les professeurs des REP + auront des heures libérées pour travailler en équipe, suivre des élèves, rencontrer les parents. Mais c’est justement cette nouvelle carte qui horipile les enseignants puisque dans des zones ultra prioritaires comme la Seine Saint Denis, certains établissement sortent de l’éducation prioritaire. Avec bien entendu, une réduction significative selon les cas, des moyens financiers qui vont avec.
Profs et parents bloquent des collèges
La ministre de l’éducation nationale s’en est expliquée et a fait valoir que la Seine-Saint-Denis « est l’un des départements les mieux servis » dans le cadre de cette réforme avant de préciser : « Ceux qui en sortent, vous ne perdez pas vos avantages du jour au lendemain, on les maintient pendant trois ans ». La révision de la carte est en cours au ministère et sera arrêtée mi-décembre en même temps que les nouvelles allocations de moyens à tous les établissements. Cette fois, ce ne seront plus les effectifs qui seront pris en compte mais le profil sociologique des élèves. Les zones prioritaires seront ainsi accordées en fonction de l’impact des inégalités sociales. Par exemple, deux fois moins d’enfants d’ouvriers et d’employés ont de chance d’obtenir leur baccalauréat que les enfants de cadres, soit 35% contre 77%. Mais malgré le bon sens de cette réforme, elle n’atteind par son objectif car les profs ont l’impression de ne plus exister comme le disait une prof de mathématiques du collège Paul Eluard à la presse. Voilà deux semaines que les cours sont interrompus dans ce collège à cause d’une grève des professeurs et d’un blocage par les parents. L’enseignante lâche désolée : « On nous explique que parce qu'on a bien fait notre travail, on va nous enlever les moyens qui nous ont permis de le faire ».
Véronique Pierron
Pour en savoir plus :
Les cours de bridge à l’école (Le Monde)
La refonte de l’éducation prioritaire (Ministère de l'éducation nationale)
La carte qui horipile les enseignants (France 3)