Opposition virulente à droite oblige, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) risque bien de ne pas être adoptée en raison de l’opposition de l’UDI et de l’UMP. Cette réforme qui fait partie d’un projet de réforme constitutionnelle plus large a été examinée mardi 28 mai par les députés et correspond à un engagement de François Hollande. Elle modifie la composition du CSM, instance de nomination et de discipline des magistrats. Le principe d'une parité de magistrats et de non-magistrats (8 et 8), a été voté en commission avec l'aval du gouvernement. Le texte instaure aussi un avis conforme pour la nomination des procureurs, avis que le ministre est donc tenu de suivre afin d'éviter toute influence de l'exécutif sur le pouvoir judiciaire. Le gouvernement avait, en effet, annoncé un Congrès (Assemblée et Sénat), pour le 22 juillet à Versailles afin de voter cette première réforme constitutionnelle du quinquennat. Toutefois, pour réussir il faut réunir la majorité des trois cinquièmes. Ce qui signifie en bref : la pêche aux voix du centre et à droite.
La ministre de la justice Christine Taubira a insisté auprès des députés sur le fait que « Cette réforme n'est pas faite pour le confort des magistrats mais pour les justiciables les plus vulnérables. Propos encore appuyés par le député PS Dominique Raimbourg, rapporteur du texte, qui a estimé que « C'est une réforme extrêmement importante, on n’aura pas une deuxième affaire Philippe Courroye! ». L'une des principales mesures du texte instaure un avis conforme pour la nomination des procureurs, avis que le ministre est donc tenu de suivre, ce qui n'avait pas été le cas pour la nomination de M. Courroye à Nanterre.
Mais la ministre de la Justice a rappelé que plusieurs de ses prédécesseurs, comme Michel Mercier, n'avaient pas nommé de procureur contre l'avis du CSM. Les propositions de noms de procureurs restent l'apanage de la chancellerie, au grand dam des militants d'une indépendance totale du parquet. Ce à quoi Dominique Raimbourg a rétorqué qu’ "on ne peut pas aller plus loin en termes d'indépendance ». Il en profite d’ailleurs pour mettre en avant « l'autorité morale » du président du CSM qui sera désormais une personnalité extérieure.
Critiques, oppositions à droite et soutien des écolos
Et à droite, les critiques vont bon train. « On accouche d'une souris », polémique le porte-parole de l'UDI, Philippe Vigier en annonçant mardi que les députés du mouvement présidé par Jean-Louis Borloo voteraient contre. « On aura l'ajout d'un magistrat au sein du CSM », ajoute-t-il avant de s’interroger : « est-ce que le seul ajout d'un membre, on va considérer que c'est une réforme constitutionnelle majeure? ». Puis avant de préciser que son groupe allait voter en faveur du texte de loi prévoyant la suppression des instructions individuelles du Garde des Sceaux, il a taxé la réforme de « peau de chagrin ».
De peur d’être en reste, le président des députés UMP, Christian Jacob, a surenchéri en affirmant qu'il « ne manquerait pas une voix de son groupe pour s'opposer ». « C'est une opposition de fond sur les modifications proposées » a-t-il poursuivi. Pour éviter le corporatisme, L'UMP continue, en effet, à défendre la présence d'une majorité de non magistrats au CSM. « Mais, c'est aussi une opposition politique car je ne vois pas l'intérêt de mobiliser aujourd'hui tout le monde sur un congrès pour modifier la composition du CSM », s’est-il expliqué.
Coté écolos par contre, ce « projet fait partie du paquet des réformes nécessaires pour sortir du règne de la suspicion des citoyens envers les politiques au travers des affaires » comme l’explique le député vert François de Rugy. Pour illustrer cette nécessité, certains députés de gauche ont invoqué le récent imbroglio survenu au tribunal de Bordeaux dans le cadre de l’affaire Woerth. Des « juges d'instruction » avaient dénoncé « une pression » du parquet dans le volet trafic d'influence concernant l'ancien ministre. Pour sa part, l'ancienne ministre Elisabeth Guigou, a plaidé : « J'espère que nous aurons un consensus national ».
Véronique Pierron
Pour en savoir plus :
Le Conseil supérieur de la magistrature (site officiel)
La réforme constitutionnelle 2013 (article du Monde)
Les 60 engagements de François Hollande (site Lui Président)