Confrontés à la mort et aux réalités indicibles de la guerre, les soldats ne sont pas seulement susceptibles d’être victimes de blessures physiques mais également de blessures psychiques. Selon le service de santé des armées, en décembre dernier, quelques 550 personnels étaient traités pour souffrances psychologiques. Et il s’attend, notamment avec les nombreux retours d’Afghanistan, à une augmentation du diagnostic de ces troubles, en particulier du syndrome de stress post-traumatique ou PTSD (post-traumatic stress disorder), d’autant que celui-ci peut se déclarer de manière différée.
De la difficulté de parler du PTSD
Ce que le psychiatre français Paul Voivenel décrivait, lors de la Première Guerre mondiale, comme « la peur morbide acquise par hémorragie de sensibilité » pouvant frapper des soldats courageux exempts de troubles antérieurs, est ce que l’on appelle aujourd’hui le syndrome de stress post-traumatique ou PTSD. Il s’agit d’un trouble anxieux dont les symptômes peuvent notamment être des réminiscences ou des reviviscences, flashs et cauchemars, des évitements de lieux, d’émotions ou de tout élément susceptible de rappeler l’événement stressant, ou encore un état d’alerte qui peut se traduire par une irritabilité, des difficultés de concentration et des crises de panique. Ce syndrome, qui peut se révéler jusqu’à des années après l’événement, peut également engendrer un sentiment de honte, de culpabilité ainsi qu’une modification des perceptions du monde, une perte de sens, qui peuvent contribuer à un repli sur soi et à un état dépressif. Éléments qui sont autant d’obstacles à surmonter pour faire une demande de soins.
En outre, facteurs aggravants, à leur retour d’OPEX (opérations extérieures) les militaires ressentent parfois une incompréhension de la population vis-à-vis de leur mission et ces blessures invisibles restent encore taboues au sein de l’armée. Mais, en particulier depuis l’intervention en Afghanistan, la parole commence à se libérer et « la Grande muette » tente de lever ce tabou et renforce son dispositif de soutien psychologique qui devra sans doute prendre en charge un nombre croissant de patients dans les mois et années à venir.
Des initiatives en faveur d’un meilleur soutien psychologique des militaires et de leurs familles
La volonté du ministère de la Défense de lever le tabou pesant sur ces blessures invisibles s’est traduite par la tenue, le 3 décembre, d’un séminaire du SSA sur les traumatismes psychiques ainsi que par diverses initiatives visant à l’amélioration du soutien psychologique. Ainsi, en 2009, a été mis en place un sas de décompression à Chypre pour les militaires de retour d’Afghanistan. Puis, en 2011, a été instauré un plan d’action de prise en charge des militaires et de leurs familles avec, en particulier, la création du bureau médico-psychologique de la direction centrale du service de santé des armées (SSA) - afin de coordonner, sur les plans réglementaire et clinique, le soutien médico-psychologique - et du service d’intervention médico-psychologique des armées (SIMPA).
Nouvelle initiative, ce mercredi 23 janvier, le ministère de la Défense a lancé le numéro d’appel national « Écoute défense ». Le 08 08 800 321 permet aux militaires, aux anciens militaires et à leurs familles de joindre des psychologues du SSA, 24h sur 24 et 7 jours sur 7, qui les orienteront vers « le correspondant le mieux adapté à la prise en charge diagnostique et thérapeutique ». Selon le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, « la levée des tabous et l’accessibilité des services d’écoute et d’information doivent permettre une meilleure connaissance du syndrome de stress post-traumatique. C’est un service que le ministère de la Défense doit rendre à ses agents et à leurs proches. »
Anne-Laure Chanteloup