Né le 20 aout 1946 dans une riche famille d’antiquaires d’origine juive ashkénaze, le biographe de Laurent Fabius, Jean-Gabriel Fredet, écrit dans « Les Brûlures d’une ambition », parue chez Hachette Littératures en 2002 : « Le nom de Fabius remonte à son arrière-arrière-grand-père Joseph, né en Moselle, commis-marchand de son état, qui s’appelait en réalité Lion et choisit de prendre Fabius comme patronyme lorsqu’en 1808 les Juifs reçurent le droit de porter un nom de famille ».
Le paradoxe du grand bourgeois socialiste
Tout le temps de sa vie politique cette origine grand bourgeoisie lui sera reprochée tant par ses détracteurs que par certains de ses alliés du parti socialiste. Elie Fabius, le grand-père, fut l’un des principaux acteurs du marché de l’art des années 1882-1942. La saga Fabius s’explique par des éclairs de génie. Jean-Gabriel Fredet relate ainsi dans « Les brûlures d’une ambition », qu’André, le père de Laurent Fabius avait jeté son dévolu sur une toile posée à même le sol dans une vente sans importance. Une fois nettoyée et expertisée, l’œuvre se révéle être un Georges de La Tour ! Aujourd’hui, elle est baptisée « La madeleine Fabius ».
Laurent Fabius ne suivra pourtant pas la voie familiale, c’est son frère François Fabius qui reprend le flambeau jusqu’à son décès en 2006. Et c’est en 2011 après 129 ans d’existence, que la galerie Fabius Frères ferme ses portes. La collection est éparpillée aux enchères en octobre de la même année, pour un montant de 9,6 millions d’euros. 400 lots sont mis en vente dont une paire de vases Médicis en porcelaine de Sèvres (1811), acquise par le Metropolitan museum de New York pour 983 150 euros. Des records ont été enregistrés pour des œuvres du sculpteur valenciennois du XIXe, Jean-Baptiste Carpeaux, ou Claude Gillot, un peintre du début XVIIIe. A cette occasion, les rapports ambigus entre les socialistes et l’argent fait à nouveau la Une des journaux. A Dominique Strauss-Kahn les pâtes aux truffes et la place des Vosges, où il est voisin de Jack Lang, tandis que Laurent Fabius habite place du Panthéon.
L’enfance et l’adolescence du jeune Laurent est calme et heureuse. Il est élève au lycée Janson-de-Sailly, dans le XVIe arrondissement de Paris et après le baccalauréat, il s’inscrit en hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand puis est admis à l’École normale supérieure, où il est reçu major à l’agrégation de lettres modernes. Il intègre en parallèle, l’Institut d’études politiques de Paris. Lors de ces études à Sciences-Po, il est responsable de la Conférence Olivaint, organisation catholique, qui devient alors plus laïque. Il intègre ensuite l’École nationale d’administration, promotion François Rabelais (1971-1973), il effectue son stage en préfecture dans le Finistère. Il sort dans les trois premiers et devient auditeur au Conseil d’État. Peu après sa sortie de l’ENA, en 1974, Laurent Fabius adhère au Parti socialiste. Il est élu premier adjoint au maire du Grand-Quevilly en 1977, puis devient député de la quatrième circonscription de la Seine-Maritime. En 1979, sur recommandation de Jacques Attali, il devient directeur de cabinet de François Mitterrand et travaille à ses côtés jusqu’à sa victoire de 1981. Il le défendra avec vigueur lors du congrès de Metz en avril 1979, en affirmant contre Michel Rocard que : « Entre le Plan et le marché, il y a le socialisme ».
Une carrière politique précoce
En 1981, à la suite de la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle d’avril-mai, il est nommé ministre du Budget et instaure l’Impôt sur les grandes fortunes, l’ancêtre de l’Impôt de solidarité sur la fortune qui sera abolie en 1987 par le gouvernement de Jacques Chirac. Les œuvres d’art étant exclues de l’assiette de recouvrement de l’impôt nouvellement créé, une polémique visant directement Laurent Fabius enfle, la fortune familiale de ses parents étant bâtie sur le commerce des œuvres d’art. Mais il conteste être à l’origine de cette mesure. Selon la biographie de Jean-Gabriel Fredet, c’est Jack Lang, alors ministre de la Culture, qui aurait obtenu cette exonération, contre l’avis de Fabius.
Au sein du gouvernement, Laurent Fabius plaide un temps l’application fidèle du programme de la gauche mais se ravise très vite en se ralliant finalement au « tournant de la rigueur » voulu par Pierre Mauroy alors Premier ministre. Dans le cadre de ses fonctions, François Mitterrand le charge en 1983 d’examiner l’opportunité d’une sortie du Système monétaire européen (SME). Il en démontre, portant, les inconvénients et le président Mitterrand décide au final de suivre les recommandations de son ministre et de maintenir la France dans le SME. Lors d’une interview pour l’Institut François Mitterrand le 21 mars 2005, François Stasse, conseiller économique du président François Mitterrand de 1981 à 1984, expliquait : « le Président a quand même choisi l’option européenne. Je pense que la perspective d’une France isolée en Europe lui était insupportable au moment même où la menace soviétique continuait d’exiger la solidarité franco-allemande dont il a fait preuve lors de son fameux discours au Bundestag. J’ajoute, malgré ce que je viens de dire sur sa réticence à l’égard de toute science économique, que je ne crois pas que les partisans de l’« autre politique » aient réussi à le convaincre que cette option lui laisserait les mains plus libres pour atteindre les objectifs économiques et sociaux du programme de 1981 »
Puis en 1983, Laurent Fabius est nommé ministre de l’Industrie et de la Recherche, et ministre de la Modernisation industrielle du temps où les plus importantes entreprises industrielles étaient dans le giron de l’État. Dans cette fonction, il a entrepris de profondes restructurations socialement difficiles qui lui ont acquis l’estime de nombreux dirigeants d’entreprise mais le fâche avec la CGT.
Premier ministre à 37 ans…
Sa carrière politique déjà fulgurante gravit un échelon décisif lorsqu’il devient premier ministre en 1984. À la suite de l’échec du projet de réforme de l’éducation mise en œuvre par Alain Savary, François Mitterrand décide de changer de Premier ministre, et remplace Pierre Mauroy par Laurent Fabius le 17 juillet 1984. À 37 ans, il est le plus jeune Premier ministre de la Vème République. Arrivé dans une situation de crise, il poursuit la « politique de la rigueur » de Mauroy afin de maîtriser la dette de l’État et l’inflation. Dans son discours d’investiture, il propose de « moderniser et rassembler » le pays. Mais le Parti communiste, qui critiquait la politique suivie depuis 1983, refuse de participer à son gouvernement et marque une cassure avec la gauche multiple de François Mitterrand.
Au poste de premier ministre, Laurent Fabius se distingue en empiétant parfois sur le champ de la diplomatie, domaine réservé du président de la République. Ainsi, en 1985, il prend fait et cause pour la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud et rencontre l’évêque anglican Desmond Tutu lors d’une grande réunion à Paris en mai 1985. A la suite de cette entrevue, il obtient que la France impose des sanctions au régime de Pretoria : embargo commercial, suspension de tout nouvel investissement français en Afrique du Sud, rappel de l’ambassadeur de France. Les sanctions s’étendent au domaine privé et à la demande du gouvernement Fabius, les écuries françaises de Formule 1 Ligier et Renault décident de ne pas participer au Grand Prix d’Afrique du Sud 1985. En juillet de la même année, lors d’une interview accordée au quotidien Le Matin, il dit de lui : « Au jeu des définitions, je dirais que je suis un socialiste moderne, pragmatique et amoureux de la liberté ».
Et sur cette voie, il persiste lorsqu’en décembre de cette même année 1985, il s’oppose à François Mitterrand qui invite le général Jaruzelski, chef de la République populaire de Pologne, au même moment où ce dernier réprime la contestation du syndicat Solidarność, conduit par Lech Wałęsa. Refusant de se taire, il exprime son trouble à la tribune de l’Assemblée nationale, puis à la télévision, ce qui provoque le mécontentement de Mitterrand. Mais le fougueux premier ministre passe outre et dénonce dans la foulée les excès du régime de Fidel Castro, alors même que Danielle Mitterrand et Jack Lang sont régulièrement invités par le chef de l’État cubain.
… et quelques scandales
Tout n’est pas rose et le passage de Laurent Fabius à l’hôtel Matignon entre 1984 et 1986 est marqué par deux scandales retentissants qui lui colleront à la peau pendant des années :
- L’affaire du Rainbow Warrior
En juillet 1985, le Rainbow Warrior, bateau de l’organisation écologiste Greenpeace mouille à Auckland en Nouvelle-Zélande. Son objectif suit une ligne politique et stratégique pour laquelle l’organisation milite depuis plusieurs années : emmener des bateaux vers l’atoll de Mururoa pour protester contre les essais nucléaires français et tenter de les empêcher. Coup de théâtre, le navire est coulé à 23 h 50 le 10 juillet, après son dynamitage par les « faux époux Turenge », qui sont en fait des agents des services secrets français. Or, un photographe sur place, Fernando Pereira, averti de l’explosion comme le reste de l’équipage décide d’aller récupérer son équipement photographique resté à bord. Las ! Il se retrouve pris au piège à l’intérieur du navire et meurt lors d’une seconde explosion.
Les faux époux Turenge sont tout de suite arrêtés par la police néo-zélandaise d’Auckland à cause de la camionnette qu’ils ont louée pour récupérer les plongeurs chargés de placer les explosifs. Ces espions de la DGSE sont en fait le chef de bataillon Alain Mafart et le capitaine Dominique Maire, épouse Prieur. Ils sont identifiés comme étant les poseurs de bombe grâce à leurs empreintes digitales retrouvées sous le canot pneumatique qui avait servi à poser la bombe.
Un scandale international éclate. Laurent Fabius nie toute implication de la DGSE mais l’imminence de la publication de documents compromettants décide François Mitterrand à commander le 6 août, un rapport au conseiller d’État Bernard Tricot qui blanchit la DGSE. Le 17 septembre 1985, le journal Le Monde révèle l’existence d’une troisième équipe. Le lendemain, François Mitterrand réclame à Laurent Fabius des sanctions qui aboutissent le 20 septembre, par la démission du ministre de la Défense Charles Hernu et du limogeage de l’amiral Pierre Lacoste patron de la DGSE. Le 22, Laurent Fabius finit par admettre à la télévision que les services secrets français avaient mené l’attaque du Rainbow Warrior.
Cette affaire connaitra encore des dénouements deux décennies plus tard lorsqu’en septembre 2006, Antoine Royal, frère de Ségolène Royal, déclare à la presse que son frère Gérard Royal, ancien nageur de combat, se serait vanté d’avoir lui-même posé la bombe, ce que l’intéressé a refusé de confirmer. «Toute cette affaire me déplaît fortement. Je désapprouve que des choses soient écrites sur moi en lien avec cette affaire. C’est de l’histoire ancienne. [...] Je ne dirai jamais rien», déclarait-il le 2 octobre 1986 dans un entretien au NouvelObs.com.
- Le scandale du sang contaminé
Cette « sale affaire » entachera durablement le bilan de Laurent Fabius et sera à l’origine de plusieurs traversées du désert et mises au pilori au sein du PS. Elle concerne directement la vie de nombreux innocents qui ont été transfusés de sang contaminés par le virus du VIH ou celui de l’hépatite C en raison à des mesures de sécurité inexistantes ou inefficaces. Selon les détracteurs de Laurent Fabius, des retards dans la mise en œuvre de mesures préventives auraient entraîné la contamination par le virus du sida de patients ayant subi une transfusion sanguine.
En avril 1991, la journaliste Anne-Marie Casteret publie dans l’hebdomadaire L’Événement du Jeudi, un article prouvant que le Centre national de transfusion sanguine (C.N.T.S.) a sciemment distribué à des hémophiles, de 1984 à la fin de l’année 1985, des produits sanguins dont certains étaient contaminés par le virus du sida. L’affaire provoque un scandale sans précédent et le 9 novembre 1992, François Mitterrand déclare : « Les ministres doivent rendre compte de leurs actes ». Laurent Fabius demande la levée de son immunité parlementaire pour être jugé. Il comparait le du 9 février au 2 mars 1999, devant la Cour de justice de la République aux cotés des anciens ministres socialistes Georgina Dufoix et Edmond Hervé pour « homicide involontaire ». Au final la cour le relaxe et déclare : « non constitués, à la charge de Laurent Fabius et de Georgina Dufoix, les délits qui leur sont reprochés, d’atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité physique des personnes » en argumentant que « Compte tenu des connaissances de l’époque, l’action de Laurent Fabius a contribué à accélérer les processus décisionnels ». Malgré ce verdict, le scandale est installé et cette affaire lui a collé à la peau tout au long de sa carrière politique. Laurent Fabius avait alors dénoncé un complot mené par une « droite haineuse » la même selon lui qui s’en était pris avant-guerre à Roger Salengro, à Léon Blum et à Jean Zay…
Président de l’Assemblée nationale (1986-2000)
La gauche échoue aux législatives de 1986 ouvrant ainsi la voie à la première période de cohabitation de la Vème République. Laurent Fabius quitte Matignon le 20 mars 1986 et cède la place à Jacques Chirac avec lequel il eut l’année précédente, un échange très vif lors de la campagne électorale pour ces élections législatives. Lors d’un duel télévisé en octobre 1985, Jacques Chirac traite Fabius de « roquet ». Mais il rétorque grandiloquent avec un geste de la main : « Je vous en prie, vous parlez tout de même au Premier ministre de la France ! ». Cette répartie fera les gorges chaudes dans toute la presse et lui sera reprochée pendant des années en marquant encore son origine grand bourgeois qu’on lui reprochait déjà.
La réélection de François Mitterrand en 1988 rebooste la carrière de Laurent Fabius qui s’était un peu mis entre parenthèse. Il est élu président de l’Assemblée nationale en 1988. Il conduit la liste socialiste lors des élections européennes du 18 juin 1989. Cette année là, le Parti socialiste réalise un score de 23,61 %, l’un des meilleurs scores du PS à cette élection. Cette période est marquée aussi les batailles de pouvoir qui s’engagent entre les ténors du parti socialiste pour prendre les rennes du PS. Laurent Fabius s’enlise dans sa rivalité avec Lionel Jospin et échoue à deux reprises. En mai 1988, Pierre Mauroy l’emporte et devient secrétaire du PS avec le soutien de Lionel Jospin. Evènement qui marque une rupture définitive avec Lionel Jospin. Puis au congrès de Rennes en mars 1990, la rupture se fait avec le courant mitterrandien, qualifié de « suicide collectif » selon certains dirigeants socialistes. Après trois jours de débats et d’invectives, c’est Pierre Mauroy qui est reconduit à la tête du PS avec l’appui intangible de Lionel Jospin. Entre guerre lasse et persévérance, Laurent Fabius est enfin élu premier secrétaire du Parti socialiste en janvier 1992. Il le restera jusqu’au congrès du Bourget, qui suit la défaite de la gauche aux législatives de 1993 qui l’oblige à céder sa place à Michel Rocard.
Traversée du désert et temps de la réflexion
Pour l’élection présidentielle de 1995, Laurent Fabius renonce à se présenter lui-même en raison du scandale du sang contaminé qui le marquera de nombreuses années. Confirmant sa rupture avec Lionel Jospin, il se range derrière Henri Emmanuelli. Dans la foulée, il se fait élire maire du Grand-Quevilly en 1995, et devient président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, poste qu’il quitte en 1997, pour retrouver la présidence de l’Assemblée Nationale, suite à la victoire de la Gauche plurielle aux législatives et à la nomination de Lionel Jospin au poste de Premier ministre.
Le temps que lui laisse sa charge, il l’emploie à voyager et mesurer les problèmes soulevés par la mondialisation. Il envisage un temps de postuler au Fonds monétaire international comme l’évoque certaines rumeurs dans les médias. Mais elles ne font que précéder son retour au gouvernement et sur le premier plan de la scène politique. Dans un entretien accordé au quotidien Le Monde du 25 août 1999, il dénonce l’emballement de la machine fiscale et dans une entrevue avec La Tribune le 3 février 2000, il déclare : « Nous devons aussi alléger l’impôt sur le revenu, à mon avis, pour l’ensemble du barème : en bas, afin d’éviter les « trappes d’inactivité », au milieu pour réduire la charge des classes moyennes, en haut, afin d’éviter la fuite ou la démotivation des contribuables aux revenus les plus élevés ». Les dés sont lancés… car il est nommé ministre de l’économie, des finances et de l’industrie le 28 mars 2000 dans le gouvernement de cohabitation Jospin.
Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie (2000-2002)
Cette nomination est dûe en réalité à la démission du successeur de Dominique Strauss-Kahn, Christian Sautter qui a jeté l’éponge face à la fronde des agents du ministère de l’économie. Ce dernier avait en effet, entamé un projet de réforme interne dont le but était d’établir un lien entre les rémunérations et la manière dont les tâches sont accomplies. Les syndicats se sont soulevés contre ce qu’ils ont considéré comme une provocation. Lionel Jospin en profite alors pour effectuer un grand remaniement de son gouvernement. Il y fait entrer aussi Jack Lang, Jean-Luc Mélenchon, Catherine Tasca, un représentant des Verts, Guy Hascoët, et un communiste en la personne de Michel Duffour.
Guidé par un désir de paix, Laurent Fabius enterre le projet de son prédécesseur dès son arrivée à Bercy et en profite pour mettre en œuvre la deuxième phase de la réforme des 35 heures. Il s’applique en parallèle, à poursuivre la politique de réduction de la fiscalité et de maîtrise des dépenses publiques menée depuis 1997 mais sa politique se retourne contre lui. Ses adversaires plus à gauche lui reprochent son libéralisme qui s’exprime dans le sacrifice du social. Lionel Jospin lui-même, ne suivra pas les conseils et projets de son ministre de l’économie en refusant de conditionner la baisse des impôts à celle des dépenses. Il maintient une baisse des impôts mais seulement sur les tranches les plus basses et s’engage dans une progression des dépenses publiques via les investissements dans les hôpitaux, de nouveaux recrutements dans l’Éducation nationale et plus généralement dans toute la fonction publique.
Ce semi échec en parti dû à ses rapports conflictuels avec Lionel Jospin, n’empêche pas Laurent Fabius de poursuivre sa tâche car il est aussi le ministre du passage à l’euro, celui de la création du géant industriel Areva en septembre 2001, et du vote de la Loi organique sur les lois de finances promulguée en août 2001. Année où il supprime aussi la vignette pour les véhicules particuliers. En revanche, il est partisan d’une taxation des flux de capitaux, marquant ainsi une avance sur son temps, à une époque où la crise liée à l’éclatement de la Bulle Internet venait juste de connaitre son apogée. Il demeure à ce poste de ministre de l’économie jusqu’à la défaite cinglante de Lionel Jospin aux élections présidentielles de 2002. Quelques mois avant la nomination de Lionel Jospin au poste de premier ministre, Laurent Fabius déclarait : « Lionel Jospin aura deux haies à franchir. S’il perd les législatives, la présidentielle sera aussi perdue »…
Dans l’opposition…
Les temps s’annoncent difficiles pour la gauche. Après la déclaration de Lionel Jospin de se retirer de la vie politique au soir de sa défaite le 21 avril 2002, Laurent Fabius est la principale personnalité à gauche pour mener la campagne des élections législatives qui suivent les présidentielles. A cette occasion, il affiche ses ambitions présidentielles mais c’est François Hollande qui est réélu premier secrétaire du Parti socialiste au Congrès de Dijon. Laurent Fabius prend à partir de là, une ligne opposée à ce qu’il prônait jusqu’alors et se démarque plus à gauche par le rejet du libéralisme. Ce virage « à gauche toute » l’enjoint à proscrire toute alliance future avec la droite modérée – ex UDF - qui, après la réélection de Jacques Chirac et la création de l’UMP, commence à prendre son autonomie.
Ce changement politique va de pair pour Laurent Fabius, avec un changement d’image qui a souvent été mise à mal par les scandales comme l’affaire du sang contaminé ou celle du Rainbow Warrior mais aussi par ses positions politiques personnelles. Il entame alors un travail d’évangélisation de sa propre personne auprès du grand public qui se révèlera au final, assez maladroit. L’objectif est de troquer une image somme toute marquée par ses origines de grand bourgeois assez rigide contre celle d’un homme simple voir sympathique. Il publie en 2003 chez Plon un livre où il affiche sa volonté de se dévoiler dans l’intimité : « Cela commence par une balade ». Il y révèle qu’il voue une passion inconditionnelle aux carottes râpées et qu’il ne reste pas indifférent à la Star Academy pour laquelle il vote de temps en temps. Ces confidences assez maladroites qui ne coïncident pas avec le personnage public qu’il affiche depuis 20 ans, lui attireront les railleries des médias.
Référendum constitutionnel et ambitions présidentielles
C’est en 2004 qu’il revient sur le devant de la scène en s’opposant à la Constitution européenne. Il fait part de ses hésitations dans les médias qui se transforment en quelques mois d’un « non sauf si », à un non définitif qu’il défend au sein du parti socialiste. Ses positions mettent le PS en porte à faux de l’ensemble des socialistes européens partisans dans leur grande majorité, du « Oui ». Une position sui se confirme au sein du Parti socialiste français par un référendum interne où les militants décident de soutenir le « oui » par 55 % des voix.
Pourtant, c’est le non qui l’emporte lors du référendum national du 29 mai 2005 où il arrive aussi majoritaire au sein de l’électorat de Gauche. Le « oui » est ratifié par 16 pays sur 25, dont 14 par procédure parlementaire sans consultation de la population. Il est rejeté en France et aux Pays-Bas par référendum. Sous forme de représailles au « non » à la constitution européenne, le Conseil national du PS vote l’exclusion de Laurent Fabius, ainsi que celle de ses partisans, des instances du secrétariat national du PS.
Ce qui ne le freine pas dans ses ambitions présidentielles. En janvier 2006, Laurent Fabius annonce sa candidature à la primaire présidentielle socialiste. Pourtant, sa candidature est loin de faire l’unanimité car son positionnement contre le traité constitutionnel européen a soulevé de vives critiques tant à droite qu’à gauche. Il est accusé de manœuvre opportuniste pour se positionner en vue de la présidentielle de 2007. Ses deux concurrents sont Ségolène Royal et Dominique Strauss-Kahn. À l’issue de la primaire interne du 16 novembre 2006, vainqueur dans son département de la Seine-Maritime, en Haute-Corse et à Mayotte, il arrive en troisième et dernière position avec 18,66 % des voix des militants et annonce dès le lendemain son ralliement à Ségolène Royal, désignée candidate du Parti socialiste dès le premier tour avec 60,65 % des voix. Malgré ses vives critiques à l’égard de Ségolène Royal, il prend sa défense au moment où elle rencontre les premières difficultés.
Dans le même temps, il est réelu de la quatrième circonscription de la Seine-Maritime en juin 2007 et reprend la tête de la communauté d’agglomération de Rouen, qu’il avait déjà occupée entre 1989 et 2000, avec comme objectif de la faire évoluer en communauté urbaine.
Retour des fabiusiens dans la majorité du PS
Malgré son échec aux primaires socialistes, sa candidature permet à Laurent Fabius de revenir dans la majorité du PS. De nouveaux militants, issus du courant Nouveau Parti socialiste se rallient à Laurent Fabius, comme le groupe Nouvelle Gauche conduit par Benoît Hamon et une partie des anciens soutiens d’Arnaud Montebourg. Rapprochements sous forme de réconciliation qui se concrétiseront dans l’initiative des « Reconstructeurs » puis dans celle de la motion D du Congrès de Reims, dont la première signataire Martine Aubry est élue première secrétaire du Parti socialiste. Conséquence heureuse pour les fabusiens qui se retrouvent dans la majorité du Parti après de nombreuses années dans la minorité. Laurent Fabius peut à nouveau intervenir à l’Assemblée nationale au nom du groupe Socialiste sur des sujets de politique stratégique comme le non à la réintégration de la France au sein du commandement militaire intégré de l’OTAN et s’oppose aux projets gouvernementaux de réforme territoriale et de réforme des retraites.
Pour la présidentielle de 2012, Laurent Fabius soutient en premier Martine Aubry avant qu’elle n’officialise sa candidature aux primaires et renonce à se présenter lui-même. Mais lorsque François Hollande est investi, il se range derrière le candidat officiel au second tour de la primaire le 16 octobre 2011. Il entreprend alors un travail de défrichage et de communication du candidat Hollande sur le plan International lors de plusieurs déplacements comme celui à la fin du mois de janvier 2012 au Proche-Orient où il représente le candidat Hollande auprès du Qatar, de l’Autorité palestinienne et d’Israël. C’est là qu’il rencontre le président Shimon Peres et le ministre de la Défense Ehud Barak. Il se rend ensuite en Extrême-Orient au mois de février notamment en Chine où il n'est reçu par aucun haut dirigeant, et au Japon où il rencontre le Premier ministre Yoshihiko Noda. Enfin, il est choisi pour être le contradicteur du président de la République sortant, et candidat à sa succession, Nicolas Sarkozy lors de l'émission Des paroles et des actes du 6 mars 2012 sur France 2. Emission où on lui a reproché une certaine absence dûe au fait qu’il refusait systématiquement le clash.