C’est la première fois que ça arrive… Toute première fois qu'un candidat accédant au second tour d'une élection présidentielle, ancien président de la Ve République qui plus est, voit son compte de campagne rejeté. Jusqu’à ce jour, seuls de petits candidats avaient été sanctionnés comme Jacques Cheminade et Bruno Mégret (MNR). A peine le temps de prendre acte de la décision de la juridiction suprême que le sang de l’ex-président n’a fait qu’un tour. Il a aussitôt annoncé sa démission de cette juridiction, une mesure qui prendrait effet « immédiatement ». Et comme le flegme et l’impassibilité ne sont pas les traits de caractère les plus proéminents chez Nicolas Sarkozy, certains de ses proches racontent qu’il a tout de suite voulu intervenir dans un journal télévisé pour commenter cette décision. Il s’est repris. Il s’est refroidi. Cette démission n’est, elle aussi, qu’un effet d’annonce puisque les membres de droit ne peuvent pas démissionner du Conseil Constitutionnel mais ont la possibilité comme Jacques Chirac de ne pas venir y siéger.
Toujours est-il que la décision du Conseil constitutionnel prive l’ex candidat Sarkozy du remboursement par l’État de plus de dix millions d'euros (10,6 M) de frais de campagne. Et même si François Fillon, magnanime, a demandé au parti de prendre les frais à sa charge, Nicolas Sarkozy devra aussi restituer au Trésor public l'avance forfaitaire de 150 000 euros qui lui a été versée, et lui payer 363 615 euros correspondant au dépassement du plafond légal des dépenses fixé à 22,5 millions d'euros.
L’UMP asséchée
Cette décision est lourde de conséquences pour l’UMP dont les caisses étaient déjà bien vides. Sa dotation publique, indexée sur les résultats aux législatives, doit baisser de 13 millions d'euros par an pour la durée de la législature. En fier défenseur du parti, son président Jean-François Copé, a déclaré solennellement que « la voix de l’UMP ne s’éteindra pas ». Puis, il a fait appel à la manne et à la générosité publique en ne se contentant pas des seuls espèces sonnantes des militants du parti mais appelant au porte monnaie de tout citoyen quelque soit sa coloration politique. Il s’est appuyé pour ce faire, sur une contradiction toute « copéïenne » en déclarant que tout citoyen devait aider l’UMP à rester un grand parti d’opposition pour faire barrage à l’extrême droite. La droite décomplexée de Copé serait-elle en train de se complexer ?
Pour court-circuiter toute polémique politique et évacuer tout conflit d’intérêt, la juridiction suprême a siégé en présence des seuls membres nommés du Conseil, à l'exclusion de tout membre de droit. Et pour encore appuyer sa décision, le Conseil constitutionnel a jugé que « c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté le compte de campagne de M. Sarkozy » pour un dépassement de 2,1% du plafond de dépenses. La décision de la Commission prise le 19 décembre 2012 mais dont les motivations n'avaient pas été rendues publiques, avait déjà fait sensation.
Villepinte… Toulon … dans le collimateur du Conseil
Suite à cette décision de la commission nationale des comptes de campagne, Nicolas Sarkozy avait introduit un recours mais le Conseil constitutionnel a dit avoir examiné le dossier « de manière approfondie », procédant à « de nombreuses mesures d'instruction pour évaluer les dépenses devant être inscrites au compte de campagne ». Et dans le collimateur du Conseil Constitutionnel, le grand meeting de Villepinte du 11 mars 2012 vient en premier. Il avait couté 3,042 millions d'euros. La juridiction suprême a estimé que 80 % des frais auraient dû être portés au compte de campagne de M. Sarkozy, et non 50 % comme cela a été fait.
Et ce n’est pas tout… Les sommes engagées pour la réunion publique de Toulon le 1er décembre 2011 et dont le coût s’élevait 155 715 euros ont aussi été moulinées par le Conseil. Selon lui et le CNCCFP, elles auraient dû être réintégrées au compte de campagne en raison de leur « caractère électoral ». A l'appui de cette thèse, le juge électoral suprême relève notamment « l'implication de l'UMP dans cette manifestation ». Pourtant… pourtant… cette décision lourde de conséquences financières pour l’UMP, devrait servir de prétexte à Nicolas Sarkozy pour sortir de sa réserve depuis qu’il n’est plus bridé par l’obligation de discrétion qui le liait au Conseil Constitutionnel… A suivre…
Véronique Pierron
Pour en savoir plus :
Les membres de droit du Conseil Constitutionnel ne peuvent pas démissionner (Le Monde)
Le Conseil constitutionnel (site officiel)
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (site officiel)
Le grand meeting de Villepinte du 11 mars 2012 (Public Sénat)