Il aura fallu 7 ans pour que ce musée soit inauguré. C’était à l’origine une idée de Lionel Jospin, alors premier ministre de Jacques Chirac. Mais ce dernier a aussi adopté le projet en raison du résultat catastrophique du second tour de la présidentiel de 2002 qui avait opposé Jacques Chirac à Jean-Marie Le Pen. Puis le musée est mis de coté car au moment même où il ouvre ses portes, Nicolas Sarkozy à peine élu président de la République instaure un ministère de l’identité nationale peu compatible avec un musée dédié à l’histoire des courants de migrants qui ont construits les fondations de notre pays. On se souvient aussi qu’à ce moment, le parlement envisage « d'instaurer des tests ADN lors des regroupements familiaux ». Projet sulfureux rejeté par plusieurs historiens du conseil scientifique du musée dont Pierre Weil qui démissionne. Une tension qui ira crescendo et aura pour résultat le refus de Nicolas Sarkozy d'inaugurer la Cité nationale de l'histoire de l'immigration.
Et sans doute que François Hollande tient à marquer sa différence avec son rival tout juste élu à la tête de l’IMP en prononçant le discours pour l’inauguration tardive de ce musée. Nommé en septembre, le nouveau directeur de la Cité, Benjamin Stora, estime dans Le Parisien que « Le fait qu'un président de la République ait le courage politique de dire que l'immigration, c'est quelque chose de très important pour la France, ça, c'est un événement ». Le journal rappelle aussi que lors du jour de l’ouverture du musée en 2007, François Hollande l’avait parcouru en simple visiteur. A l’Elysée on estime que « C'est des sujets qui peuvent rassembler: être un pays d'immigration c'est quand même être un pays fort » avant d’ajouter : « en parlant de l'immigration, on parle de notre pays, de notre histoire nationale ». Pas d'annonce majeure à attendre de François Hollande dans son discours toutefois mais un réel coup de projecteur sur ce lieu emblématique des relations compliquées que la France entretient avec les migrants. Ainsi, on admet aussi à l’Elysée que le climat reste tendu en France sur cette question dont le Front National a fait son cheval de bataille et qui a réassemblé en mai près d’un quart de l’électorat.
Fin de la mise au banc du musée
Car la mise au banc du musée de l’immigration ne s’est pas arrêtée au refus de Nicolas Sarkozy de l’inaugurer. Deux ans plus tard, l’exécutif tente une nouvelle fois cette inauguration et ce sont les ministres de l’éducation Xavier Darcos et de l’immigration Eric Besson qui sont proposés pour jouer les maitres de cérémonie le 30 mars 2009. Pourtant avec deux ministres aussi marqués à droite, les choses ne se déroulent pas du tout comme prévu et au moment où ils grimpent sur l’estrade pour prononcer enfin le discours, des étudiants commencent à crier : « Arrêt des rafles, arrêt des expulsions ! », ou encore « Solidarité avec les sans-papiers ». Bien entendu, Eric Besson est visé puisqu’il a été chargé par Nicolas Sarkozy de réaliser 27 000 reconduites de migrants aux frontières. Face aux étudiants, les deux ministres battent en retraite sans prononcer de discours.
Un an plus tard, ce sont 500 travailleurs sans papiers qui investissent le bâtiment avec comme revendication, la régularisation de leur situation. Pour calmer les esprits, gouvernement et direction du musée décident de ne pas expulser les sans papiers qui occupent le musée pendant près de quatre mois. Les visiteurs déjà peu nombreux désertent pour de bon ses couloirs. Pied de nez du destin pour ce bâtiment qui avait été construit pour l’exposition coloniale de 1931 et dont la vocation première était d’être un musée des colonies qui montrait l’histoire de la colonisation et de l’incidence de celle-ci sur les arts….
Véronique Pierron
Pour en savoir plus :
Second tour de la présidentielle de 2002 (L'Express)
Un ministère de l’identité nationale (Le Figaro)
Tests ADN lors des regroupements familiaux (Le Monde)
Benjamin Stora (France Inter)
500 travailleurs sans papiers (L'Express)
L’exposition coloniale de 1931 (Palais de la Porte dorée)