Quel est donc l’intérêt d’adopter un texte de loi en le vidant de sa substance ? C’est pourtant l’exercice auquel s’est livré le Sénat jeudi par le vote du texte de loi sur les tarifs de l’énergie. Les sénateurs ont tout bonnement expurgé de ce texte, ce qui en faisait sa particularité, à savoir les bonus-malus énergie. Cette mesure se basait sur un volume de base énergétique calculé spécifiquement pour les 36 millions de foyers fiscaux français. Le système des bonus-malus vient ensuite s’appliquer. Ainsi, les foyers ayant consommé moins que le volume de base qui leur était attribué verront leur facture allégée jusqu'à 20 euros par mégawattheure en 2014 et jusqu'à 30 euros en 2015. A contrario, les foyers ayant consommé plus se verront pénalisés. Les communistes étaient entrés en résistance contre le texte avec à leur tête, la sénatrice Mireille Schurch qui avait taxé le système de « complexe et contre-productif ». En vérité, les socialistes n’étaient pas très enthousiastes non plus pour ce texte et avaient proposé des solutions alternatives qui avaient toutes été rejetées par la ministre de l’écologie Delphine Batho.
Outre les bonus-malus, les Sénateurs ne se sont pas arrêtés en si bon chemin. Ils ont aussi déshabillé le texte de l’assouplissement de l’implantation de l’éolien voulu par le gouvernement. Le texte amendé par la vénérable assemblée prévoit la constitution de parcs d'au moins trois éoliennes ou d'une puissance minimale de 6 mégawatts pour bénéficier de l'obligation d'achat par EDF de l'électricité produite. Bien plus souple, le texte initial ouvrait cette possibilité d’implantation à une seule éolienne.
Puis jouant sur la corde empathie et bons sentiments insufflés sans doute par la Saint-Valentin, jour de vote de ce texte, ils se sont attaqués ensuite au dernier étage de ce projet de loi. Initialement, il prévoyait l’extension des tarifs sociaux de l'énergie à 4 millions de foyers et appliquait à tous la trêve hivernale. En même temps qu’il prévoyait l'expérimentation d'une tarification progressive des tarifs de l'eau. Le Sénat généreux a rallongé les délais de mise en œuvre de cette tarification. Mais au jeu des assemblées, rien n’est joué puisque c’est la Nationale qui a toujours le dernier mot et devrait selon Delphine Batho rétablir le Bonu-Malus énergétique car souligne-t-elle, « la cohérence de ce texte c'est la lutte contre la précarité énergétique ». L’UMP Jean-Claude Lenoir s’est empressé d’ironiser sur cette loi en forme de « belle bouteille, une belle étiquette d’une année prestigieuse, mais cette bouteille est vide ». Il poursuit sa diatribe : « Vous savez très bien, le texte ressortira de l’Assemblée nationale avec l’article 1 » avant de dénoncer : « Il y aura autant de prix de l’électricité que de communes ». Sauf que la Constitution ouvre la possibilité à une nouvelle navette entre les deux Assemblées… Les jeux sont-ils faits ?
Véronique Pierron