Inscrit dans l’article 26 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, le délit « d’offense au président de la République », puni de 45 000 euros d’amende, devrait être abrogé le 18 avril. Il avait été retenu dans l’affaire de l’affichette « Casse-toi pov’con » du militant Hervé Eon, qui avait écopé, en 2008, d’une « amende de principe » de trente euros avec sursis. Condamnation « disproportionnée » constituant une atteinte à la liberté d’expression selon la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui, si elle a considéré qu’il n’y avait « pas lieu » de se prononcer sur la compatibilité de ce délit avec la liberté d’expression, a estimé que « sanctionner pénalement des comportements comme celui de M. Eon est susceptible d'avoir un effet dissuasif sur des interventions satiriques qui peuvent contribuer au débat sur des questions d'intérêt général ».
Suite à cet arrêt de la CEDH du 14 mars, un amendement visant à l’abrogation, réclamée à maintes reprises, de ce délit « quasiment tombé en désuétude » depuis le général De Gaulle – il l’a invoqué à six reprises - a été voté à l’unanimité des parlementaires de la commission des Lois de l’Assemblée nationale. Dans l’exposé des motifs, la députée socialiste Marietta Karamanli à l’initiative de cet amendement, considère qu’il s’agit « de tirer les conséquences de l’arrêt de la CEDH » et que cette disposition, qui a « connu une résurgence durant le quinquennat de M. Nicolas Sarkozy », « n’apparaît plus justifiée dans une démocratie moderne » mais apparaît « contreproductive dans la mesure où l’utilisation de la répression pénale est loin d’être le moyen le plus adéquat pour gagner le respect des citoyens ». Elle rappelle la jurisprudence de la CEDH Colombani c. France de 2002 qui a conduit, en 2004, à la suppression du « privilège exorbitant » que constituait le délit d’offense à un chef d’État, un chef de Gouvernement ou un ministre des Affaires étrangères d’un État étranger. La députée précise également que le président peut recourir aux incriminations de droit commun, tel que le délit « d’insulte publique ». Cet amendement sera présenté à l’Assemblée nationale puis au Sénat, lors de l’examen d’un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’union européenne et des engagements internationaux de la France.
Anne-Laure Chanteloup