Pour une surprise ce fut une surprise. A l’annonce du nom du nouveau pape, David Pujadas sur France 2 est resté coi quelques longues secondes et sur TF1, Gilles Bouleau s’y est repris à trois fois pour énoncer le nom de François 1er, Jorge Mario Bergoglio. Et comme le journaliste s’acharnait à le prononcer avec l’accent espagnol – langue qu’il ne maîtrise de toute évidence pas du tout – l’écorchage fut rude. Les cardinaux ont sorti des urnes un illustre inconnu apparemment saint homme attaché aux pauvres et sans histoires. Mais les « sans histoires » ne font vivre ni la presse ni les polémiques et déjà, d’affreux bruits de couloirs circulent sur Papam Franscisco 1er. Il aurait au pire dénoncé des prêtres pendant la dictature militaire qui a avili l’Argentine de 1976 à 1983. Au mieux fermé les yeux au moment de leur disparition. Non s’écrient alors d’autres voix, le saint homme aurait sauvé ces prêtres de la torture et des sévices.
Les politiques ne sont pas restés sur leur réserve. Un certain nombre se sont bousculés pour féliciter le nouvel élu de la fumée blanche, qui comme le génie de la lampe est soudain apparu tout de blanc vêtu au balcon de la Basilique Saint Pierre. Le premier homme de la nation, François Hollande, s’est fendu d’un communiqué qui disait laconique : « J'adresse au pape François 1er mes félicitations les plus chaleureuses et mes vœux très sincères » avant de rajouter classique : « La France, fidèle à son histoire et aux principes universels de liberté, d'égalité et de fraternité poursuivra le dialogue confiant qu'elle a toujours entretenu avec le Saint-Siège ».
Même classicisme chez Bertrand Delanoë qui, modernité oblige, a twitté : « @bertranddelanoe : Je salue l'élection du pape François et lui adresse mes vœux sincères pour la mission qui lui a été confiée à la tête de l'Église catholique ». De son coté, Jean Louis Borloo a sorti les grandes orgues et les références historiques : « Le nouveau Pape Jorge Mario Bergoglio, François 1er n’a pas choisi son nom par hasard. Il marche sur les pas de Saint François Xavier et de Saint François d’Assise. Pape originaire d'Amérique du Sud, où la vigueur catholique est incontestable, il saura accompagner les plus fragiles et les plus pauvres dans la grande tradition du pasteur ». Amen.
Mélenchon remonté et louanges à droite
Qu’en est-il de la très sainte gauche très à gauche ? Elle reste agrippée dents et ongles, à une tradition laïque casseuse de curés héritée du XIXème siècle et toujours aussi flamboyante comme l’a démontré le leader du Front de Gauche Jean Luc Mélenchon. Dans un communiqué de presse, le « bad boy » déplore « L’élection de Jorge Mario Berloglio comme nouveau pape » car ce « n’est pas une bonne nouvelle pour les progressistes du monde chrétien ni pour la révolution citoyenne en Amérique du sud ». Puis écoutant les sirènes sourdes des nouveaux bruits circulant sur le tout neuf François 1er, il poursuit : « Silencieux sous la dictature militaire puis à l’heure des jugements des militaires criminels, opposant connu aux gouvernements argentins de Nestor puis de Christina Kirschner, tendre pour l’Opus Dei, hostile aux prêtres progressistes ».
Pourtant, le leader du FDG semble entrouvrir la porte au nouveau pape en lâchant finalement : « le nouveau chef de l’église catholique devra prouver qu’il n’a pas été élu pour déstabiliser les régimes progressistes de l’Amérique latine ni pour poursuivre les persécutions contre la théologie de la libération. Compte tenu de l’affichage favorable aux pauvres, il faut espérer qu’il soit plutôt enclin à aider ceux qui en sont actuellement les porte-parole en politique et dans le christianisme amérindien"
A droite bien sûr, la présidente du Parti chrétien-démocrate Christine Boutin est dithyrambique : « Ce pape argentin me semble être l'homme de la situation (avec) un vrai questionnement par rapport au capitalisme, au libéralisme ». Elle rajoute sibylline sur i>TELE : « Il peut avoir le courage de réformes plus importantes que s'il avait l'espérance d'un mandat très long ». Mariage des prêtres ? Promotion des préservatifs ? Du mariage pour tous ? Dithyrambique Christine mais… pas autant que François Fillon qui pousse un Alléluia en forme de félicitations : « Les catholiques du monde entier vivent aujourd'hui un moment de joie et de communion. Une grande espérance entoure l’élection du Saint-Père François. Dans un siècle en quête de sens et de paix, nous sentons tous que la parole et l’influence du pape peuvent contribuer à offrir à notre condition humaine plus de lumière et de sagesse ».
Juste une minute de silence et de recueillement plus tard le temps d’écouter frère Copé adresser des vœux beaucoup plus sobres au départ. Il adresse au pape « ses félicitations sincères et ses vœux chaleureux pour la charge qui lui a été confiée à la tête de l’Eglise catholique » mais se laisse tout de même submerger pour faire meilleur effet que son pire ennemi : « Que ce nouveau pontificat soit l’occasion de renforcer les liens entre la France et le Vatican dans leurs combats pour la dignité humaine, la liberté, la paix et la justice ».Par contre à gauche, les réactions ne se sont pas bousculées et c’est plutôt le silence qui a pris le pas sur les messages de bonne fortune. Doit-on y voir une vilaine réminiscence d’un laïcisme invétéré chez nos socialistes ?
Véronique Pierron