C'est un sujet sensible auquel Christiane Taubira a décidé de s'attaquer : la réforme des tribunaux de commerce. « Cette démarche, je ne la fais pas dans un acte de défiance vis-à-vis de la justice commerciale comme ça a pu être le cas par le passé », a déclaré la ministre de la Justice en ouverture de son discours de présentation le 5 mars. Il faut dire que ce n’est pas la première fois que la gauche tente de faire cette réforme… Sans succès, s’inclinant alors devant la fronde des professionnels. « Réfléchir ensemble pour construire ensemble » : la Garde des Sceaux n’entend pas cette fois se précipiter. D’abord une concertation, puis la remise des travaux mi-mai et enfin un projet de loi à l’automne. Au vu de « la réalité d’un désordre économique et social assez lourd, pesant et provoquant des conséquences injustes » - et la multiplication des dossiers d’entreprises en difficulté comme Doux ou Petroplus -, il s’agit de rendre « plus efficaces » ces tribunaux.
Amélioration des dispositifs de prévention et de traitement des difficultés de l’entreprise, déontologie, statut formation des acteurs de la justice commerciale, organisation des juridictions, amélioration du rôle des administrateurs et mandataires judiciaires : c’est pour réfléchir à ces questions et formuler des propositions que des groupes de travail ont été mis en place. Ils regroupent notamment des magistrats professionnels, des juges consulaires, des représentants d'entreprises ou encore des universitaires. Pour Christiane Taubira, aucune piste ne doit être négligée. « Nous ne devons pas nous interdire de réfléchir et d'explorer toutes les solutions, si nous devons les récuser, nous les récuserons mais je vous en supplie, acceptez d'explorer toutes les options ». Et c’est sur la base de ces préconisations que devrait être élaboré le futur projet de loi. Cette réforme fait partie du Pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, qui a été présenté par le gouvernement le 6 novembre dernier.
Mais si toutes les parties s’accordent sur certains points - comme la formation des juges consulaires (des commerçants ou des chefs d'entreprise élus par leurs pairs et bénévoles), l’élargissement du collège électoral ou l’établissement d’un livret de déontologie -, d’autres au contraire font grincer des dents. L’indépendance et la compétence des juges consulaires sont souvent remises en question, tout comme leur légitimité. La réforme prévoit notamment que des magistrats professionnels assistent alors les juges consulaires dans certaines affaires importantes. Impensable pour les juges consulaires. Ils « s'engagent en faveur de la collectivité en prenant sur leur temps. Ce qui les motive, c'est d'être responsables des décisions qui vont être prises, l'échevinage les transformerait en simples assesseurs », pour Jean-Bertrand Drummer, président de la Conférence générale des juges consulaires de France. Et si une telle décision était prise, « ça conduirait immédiatement à la suspension des audiences ».
Caroline Moisson