« En France, nous n’avons pas la culture de rendre compte, il n’y a pas de volonté spontanée de transparence, tout ce qui a été fait l’a été fait après une crise majeure », estime dans Le Monde Anne-Marie Ducroux, administratrice en charge des questions de lobbying chez Transparency. Avec une note de 2,7 sur 10, le verdict est sans appel : la France est à la traîne en matière d’encadrement du lobbying, pratique qui consiste à faire pression notamment sur les élus pour favoriser ses propres intérêts. C’est le constat d’un rapport inédit de l'organisme Transparency International, qui milite pour plus de transparence et d’intégrité dans la vie publique.
Intitulée « Transparence et intégrité du lobbying, un enjeu de démocratie – État des lieux citoyen sur le lobbying en France », cette étude est le volet français d’un projet européen qui a été conduit parallèlement dans 19 pays. Si le lobbying peut avoir du bon « lorsque son usage est rendu clair et transparent », car « il peut contribuer à apporter aux décideurs publics des éléments d’information et de compréhension sur des questions toujours plus complexes », « a contrario, un lobbying non régulé peut entraîner des abus », souligne le document.
Traçabilité des décisions publiques, intégrité des échanges et équité d’accès aux décideurs publics : ce sont les trois principes qui ont été évalués par l’ONG. Dans le détail, 24 critères sur 100 sont satisfaits dans le premier cas, 30 dans le deuxième et 27 pour le troisième. En clair, ces trois principes ne sont tout simplement « pas garantis ». « Si les questions d’encadrement du lobbying et de transparence de la vie publique commencent à émerger, les règles restent encore très hétérogènes d’une institution à l’autre », explique Transparency International.
« À ce jour, l'encadrement des relations entre décideurs publics et représentants d'intérêts est quasiment inexistant en France, à l'exception notable de l'Assemblée nationale », constate l’organisation dans un communiqué. Et pourtant « les budgets et moyens consacrés au lobbying sont croissants », précise l’ONG. Et de rajouter qu’ « aucune loi ne définit ni ne règlemente les activités de lobbying en France ». L’étude s’appuie sur plusieurs cas. Comme l’affaire du Mediator qui a « illustré des pratiques de lobbying irresponsables et opaques (...) auprès des décideurs publics et des experts (...) niant intérêt général et santé publique ». Ou encore l’abus de « cadeaux » de la part de l'industrie du tabac aux élus pour influencer leur jugement.
En conclusion, Transparency International estime qu’ « une réflexion globale, incluant toutes les institutions où se forgent les décisions publiques, doit être engagée ». L’ONG appelle donc « le gouvernement, les collectivités locales, le Parlement et l’ensemble des lieux de la décision publique à se doter de règles ambitieuses tant à destination des représentants d’intérêts que des décideurs publics. Ces règles doivent permettre de favoriser la transparence, l’intégrité et l’équité d’accès des acteurs de la société aux décideurs publics et préserver ainsi l’intérêt général. »
Caroline Moisson
Pour en savoir plus :
Transparence, équité, intégrité du lobbying en France : un état des lieux inédit montre que nos pratiques ne sont pas encore à la hauteur (transparency-France.org)
La France, mauvaise élève du lobbying (par Hélène Bekmezian, Le Monde)