Ministre de la Réforme de l’Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique : Qui est Marylise Lebranchu ?

samedi 26 mai 2012

Avec l’entrée de la bretonne Marylise Lebranchu, le gouvernement Ayrault ouvre la porte à une très proche de Martine Aubry. Née le 25 avril 1947 à Loudéac dans les Côtes-d’Armor d’un père instituteur et d’une mère salariée, elle passe toute son enfance en Bretagne et décroche un bac philo puis passe une maîtrise d’aménagement du territoire à l’université de Rennes. Elle choisit dans un premier temps, d’enseigner pendant quelques années puis en 1973, elle entre comme chargée d’étude à la Société d’économie mixte du Nord-Finistère.

 

Engagement à gauche

Son engagement politique démarre en 1972, année où elle adhère au PSU et dans la continuité, elle entrera au PS en 1977. Un an plus tard, elle fait son entrée dans le monde politique, en tant qu’attachée parlementaire de la députée socialiste Marie Jacq. Elle assumera cette fonction pendant 15 ans. Elle commence pourtant à assumer des mandats électifs locaux dès 1983 lorsqu’elle est élue conseillère municipale à Morlaix, dans le Finistère et intègre dans la foulée, le Conseil régional de Bretagne en 1986. Puis en 1993, elle se présente à la députation dans la 4ème circonscription du Finistère (Morlaix), en remplacement de Marie Jacq. Elle est battue cette première fois, mais son ambition est alors de faire de la ville de Morlaix, son fief politique, elle en devient maire en 1995 et gagne la députation en 1997. Sa rencontre avec Martine Aubry est alors toute fraîche lorsque deux ans plus tôt, les deux femmes s’engagent pour l’action de la Fondation Agir contre l’exclusion (Face).

 

Une des rares femmes politiques à la tête d’un ministère régalien

Ses succès successifs aux élections lui valent reconnaissance puisqu’elle est appelée à rejoindre le gouvernement Jospin en 1997.  Elle est alors nommée Secrétaire d’État chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et de la consommation et travaille auprès du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie. Trois ans plus tard, elle est appelée par Lionel Jospin à devenir Garde des Sceaux, poste qu’elle occupe pendant deux ans jusqu’à la défaite de 2002. Marylise Lebranchu fait partie de ces rares femmes politiques à avoir été à la tête d’un ministère régalien.

À ce poste, elle s’est tout particulièrement illustrée dans l’affaire des disparues de l’Yonne, pour laquelle elle avait reconnu, puis dénoncé les fautes de l’institution judiciaire, allant jusqu’à sanctionner quatre magistrats, Ainsi, Marylise Lebranchu avait promis qu’elle serait ferme, et elle a suivi, jeudi 28 mars 2002, l’avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui avait réclamé, deux jours plus tôt, des sanctions pour trois des quatre magistrats du parquet impliqués dans les dysfonctionnements de la justice dans l’Yonne. « L’affaire des disparues de l’Yonne est l’une des plus terribles qu’ait eu à connaître la justice », avait déclaré la garde des sceaux au journal Le Monde. Elle révélait des dysfonctionnements exceptionnellement graves sur lesquels la justice « doit rendre des comptes ». Comme elle s’y était engagée, la ministre a rendu public l’avis du CSM, et « conformément à la pratique de ce gouvernement », elle a indiqué qu’elle « respecterait intégralement les avis du Conseil ». Mais plus frileux que la ministre, le Conseil d’État a annulé les sanctions pour trois d’entre eux.

Elle s’était aussi beaucoup investie dans l’affaire Guillaume Seznec. Le 24 octobre 2000, Marylise Lebranchu, avait fait une annonce au cours d’un journal télévisé où elle se déclarait prête à étudier le dossier Seznec et à le réouvrir s’il contenant suffisamment d’éléments nouveaux. Ce qui est confirmé en janvier 2001 lorsque la Ministre déclare : « Il faut réouvrir le procès Seznec. Je le ferai ! ».  Elle dépose alors officiellement la requête en révision permettant le réexamen de ce dossier. La commission de révision des condamnations pénales accepte d’ouvrir à nouveau le dossier, mais la Cour de révision refuse le recours.

 

L’après Jospin

Après la défaite de Lionel Jospin aux élections présidentielles de 2002, Marylise Lebranchu retourne dans sa circonscription du Finistère où elle est députée depuis 1997. Elle y est réélue le 17 juin 2007 pour un troisième mandat à ce poste. Depuis  2000, elle participe aux travaux du club Réformer, un groupe de réflexion politique avec Martine Aubry, Jean Le Garrec, François Lamy, Adeline Hazan. Elle est aussi, depuis 2004, première vice-présidente du Conseil régional de Bretagne, chargée de la politique territoriale et du développement de la démocratie régionale. En parallèle à ses activités publiques, elle est chargée de cours à l’université de Bretagne occidentale au sein de l’Institut de Géoarchitecture depuis 1990 à 1997, où elle enseigne l’économie appliquée à l’aménagement du territoire.

Pour les élections présidentielles de 2007, elle choisit d’apporter en novembre 2006, son soutien à la candidature de Dominique Strauss-Kahn pour l’investiture socialiste à la présidentielle de 2007, tout en regrettant le retrait de Lionel Jospin. Candidate du groupe socialiste pour la présidence de l’Assemblée nationale (Battue par Bernard Accoyer par 314 voix contre 216 pour elle), elle devient, le 27 juin 2007 questeur, succédant ainsi à Didier Migaud, désigné, lui, pour présider la commission des finances. Le 16 mars 2008, elle perd son fief morlaisien avec la défaite de Michel Le Goff aux municipales et aux cantonales.

 

Ministre dans le premier gouvernement Ayrault

Elle n’est pas un poids lourd du PS et en vérité, elle n’était qu’à moitié attendue au gouvernement mais Marylise Lebranchu a été choisie sans doute pour son implantation chez les élus locaux. Elle occupe en effet, depuis 2010, la présidence de la puissante Fédération nationale des élus socialistes et républicains (FNSER). Ainsi, sa nomination prend tout son sens car avec des régions, des départements et des grandes villes en grande majorité socialiste, elle aura notamment la mission de mener à bien un nouvel acte dans la décentralisation, annoncé par le président Hollande dès son investiture. Une reconnaissance enfin car après trois années comme secrétaire d’Etat aux PME Commerce, à l’Artisanat et à la Consommation, sa nomination à la Justice en 2000-2002 n’avait pas été vraiment considérée comme un signe de reconnaissance, au moment où les « affaires » menaçaient le président d’alors Jacques Chirac et où la cohabitation avec Lionel Jospin s’envenimait.

 

Ce qui attend la nouvelle ministre

Deux défis de taille attendent cette femme d’expérience. D’une part, la réforme de l’Etat avec la fin de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et notamment la fin du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. S’exprimant à ce sujet dans une interview accordée au Journal de la Saône et Loire le 22 mai 2012, la ministre affirmait que  cette « règle d’un fonctionnaire sur deux non-remplacé n’a pas de sens car c’est une règle mathématique qui ne tient pas compte des réalités de terrain. Dans les domaines prioritaires - l’école, la sécurité -, nous mettrons des moyens ». Ainsi, elle devra gérer la création des 60 000 postes dans l’Education nationale promis par Hollande en les compensant par des départs dans d’autres administrations de manière à ne pas augmenter les effectifs globaux de la fonction publique d’Etat.

La mise en œuvre d’un nouvel acte de la décentralisation, le troisième depuis 1981 devrait également occuper une grande partie de son temps et là aussi le projet est ambitieux car il entend faire participer à la réflexion « L’ensemble des associations d’élus, quelle que soit leur étiquette », affirmait la ministre au Journal de la Saône et Loire. « Beaucoup de questions restent à trancher, ajoutait-elle. La répartition des compétences entre les collectivités, la meilleure façon d’inciter à plus d’intercommunalité, la réforme des modes de scrutin pour les futurs conseillers départementaux »…. Il lui faudra aussi trouver un nouvel équilibre entre Etat et collectivités territoriales en augmentant leurs prérogatives tout en les responsabilisant sur leurs dépenses.

Véronique Pierron

Laisser un commentaire