Poussins et artisans reçus par Sylvia Pinel

jeudi 6 juin 2013

Casser le régime des auto-entrepreneurs ? Il n’en serait pas question selon Sylvia Pinel la ministre de l’Artisanat et du Commerce. Ce régime mis en place par l’ancien président Nicolas Sarkozy pour faciliter la création d’entreprises individuelles est en vigueur depuis le 1er janvier 2009 et propose des formalités de création d’entreprises allégées et un mode de calcul et de paiement simplifié des cotisations, contributions sociales et impôt sur le revenu. La ministre a seulement stipulé devant l’Assemblée Nationale mercredi que le gouvernement souhaitait améliorer ce régime et corriger « un certain nombre de lacunes » avant de préciser : « c’est le contournement du droit du travail, le salariat déguisé que nous voulons corriger ». Ce statut concerne 895 000 entrepreneurs dont la moitié seulement dégage du chiffre d'affaires selon une étude de l'Acoss publiée fin mars 2013. Toutefois, depuis sa création en 2009, l'ensemble des auto-entrepreneurs a généré 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires mais selon un récent rapport de l'Inspection générale des finances remis au gouvernement, il convient de corriger « les défauts » de ce statut.

Sylvia Pinel s’est engagée mercredi à recevoir le lendemain « l'ensemble des acteurs, l'ensemble des parties prenantes sur ce dossier - les artisans, les fédérations d'auto-entrepreneurs - pour définir et affiner les propositions que nous avons mises sur la table ». Parmi les sujets à analyser, elle a évoqué les modalités d'accompagnement des auto-entrepreneurs, « pour leur permettre de créer davantage de richesse », la définition de seuils de chiffre d'affaires intermédiaires et les conditions et modalités de transition vers un régime classique. « La volonté du gouvernement, c'est de trouver une solution équilibrée (...) et surtout de réconcilier l'ensemble des acteurs économiques », s’est défendue la ministre.

Que reproche le gouvernement aux auto-entrepreneurs ?

En guise de premier défaut, on trouve le faible taux de création d'entreprises pérennes « à fort potentiel de croissance ». Le gouvernement constate que le statut a favorisé « l'exercice d'activités accessoires ou à faible valeur ajoutée ». Il reprend également la critique du rapport de l'IGF sur « l'existence de risques et parfois d'abus liés à ce régime en matière de concurrence déloyale, de salariat déguisé en fausse sous-traitance, ou de fraudes, mais en relativise la portée. » Sylvia Pinel s'engage donc sur le chemin de la réforme dont les grandes lignes sont déjà connues. La première qui fait grincer les dents des « poussins » comme se sont surnommés les autoentrepreneurs en référence au mouvement volatile des patrons de statups les « pigeons », est celle de limiter dans le temps le bénéfice de ce statut. « Entre un et cinq ans », affirme Sylvia Pinel. « Entre deux et trois ans », précise Matignon car il s'agit d'encourager la création d'entreprises « classiques ».

L'auto-entreprise ne serait alors qu'un statut transitoire. Le gouvernement envisage de renforcer l'accompagnement des auto-entrepreneurs pour les encourager à passer au statut d'entreprise classique et de baisser le plafond du chiffre d'affaires ouvrant droit au statut. Pour bénéficier du régime fiscal de la micro-entreprise, leur chiffre d'affaires ne doit pas dépasser, en effet, 81 500 euros pour la vente de marchandises, objets et denrées à emporter ou à consommer sur place ou la fourniture de logement, 32 600 euros pour les services. La seconde mesure consiste à proposer un statut adapté à une activité complémentaire sans limite de durée, pour les entrepreneurs désireux de créer un revenu de complément.

Après les Pigeons, les Poussins…

Des milliers d'auto-entrepreneurs se sont dressés contre ce projet avec le soutien d'anciens ministres UMP et les « poussins » espèrent faire reculer les pouvoirs publics comme y sont parvenus à l'automne dernier les « pigeons » qui protestaient contre un alourdissement de l'imposition des plus-values de cession. Selon leur site internet, la pétition lancée a recueilli à ce jour plus de 86 000 signatures. « La réforme proposée est vécue par tous comme le plus grand plan social jamais connu, au profit du lobby des organisations du bâtiment », a déclaré Ludovic Badeau, un porte-parole des « poussins », lors d'une conférence de presse. « Des centaines de milliers de Français vivent aujourd'hui dans l'angoisse alors qu'ils ont créé leur propre emploi », a-t-il ajouté en taxant de « crucial » le rendez-vous de jeudi.

De son coté, le président de la Fédération des auto-entrepreneurs, Grégoire Leclercq, a déclaré lors de la même conférence de presse que les organisations représentatives de ce secteur n'avaient « rien à négocier ». « Nous ne demandons rien d'autre qu'on nous laisse travailler. En aucun cas nous ne voulons être encagés dans une position de négociation où nous devrions lâcher du lest », a ajouté Grégoire Leclercq, selon qui les auto-entrepreneurs continuent de refuser une limitation de leur statut dans le temps et un abaissement des plafonds de chiffre d'affaires. D’ailleurs, les organisations représentatives des auto-entrepreneurs demandent par ailleurs que la ministre des PME, Fleur Pellerin, participe à la concertation.

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

Le statut des auto-entrepreneurs  (Autoentrepreneur.fr)

Une étude de l'Acoss sur les auto-entrepreneurs (Acoss)

Les  poussins  autoentrepreneurs (page des Poussins sur Facebook)

Les  pigeons patrons de PME (site officiel Pigeons)

 

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