Quand Sarkozy compare la justice française à la Stasi, les réactions pleuvent

samedi 22 mars 2014
AP

Nicolas Sarkozy ne fait pas dans la dentelle… Et dans sa tribune publiée vendredi par le journal Le Figaro – et réservée aux abonnés -  intitulée « Ce que j’ai à dire aux Français », il réagit aux écoutes téléphoniques dont il a fait l’objet en comparant ce système aux méthodes de l’ancienne police secrète Est Allemande, la Stasi. L’ex-président de la République écrit ainsi : « Aujourd’hui encore, toute personne qui me téléphone doit savoir qu’elle sera écoutée. Vous lisez bien. Ce n’est pas un extrait du merveilleux film La Vie des autres sur l’Allemagne de l’Est et les activités de la Stasi. Il ne s’agit pas des agissements de tel dictateur dans le monde à l’endroit de ses opposants. Il s’agit de la France ». Ce matin sur Europe 1, Daniel Cohn Bendit, raillait un peu l’ancien chef de l’Etat en disant qu’il avait non pas élaboré – François Mitterrand en son temps en avait déjà abusé – mais peaufiné ce système lorsqu’il était à la tête de la France. Un peu narquois comme à son habitude, le député européen a glissé ensuite que Nicolas Sarkozy « devait prendre ses responsabilités et ne pas s’étonner  d’un système qu’il avait lui-même développé ».

"Insupportable" comparaison avec une dictature

Toujours est-il que les réactions aux comparaisons de la Stasi ne se sont pas faites attendre. On peut même parler d’une pluie de réactions. En déplacement à Bruxelles, François Hollande a déclaré que « toute comparaison avec des dictatures [était] forcément insupportable » mais a ensuite insisté sur le fait qu’il « ne répondrait à aucune polémique ».  Manuel Valls a estimé pour sa part, lors d’une réunion publique à Grenoble, que Nicolas Sarkoy s’en prenait « au fondement même de l’Etat ». « Assimiler la République française à la dictature de l'ex Allemagne de l'Est, assimiler la justice et la police à la Stasi, l'ex police secrète, cela disqualifie les critiques de Nicolas Sarkozy », a ajouté le ministre de l'Intérieur en regrettant : « C'est aussi infamant pour les magistrats et les policiers de notre pays ».

Le ministre du Travail et de l'Emploi, Michel Sapin a « vu la violence sous la plume » avant de glisser : « Comme à son habitude, il veut faire croire qu'il est une victime alors qu'il est aujourd'hui soupçonné d'être un coupable ». Le premier ministre Jean Marc Ayrault a qualifié jeudi dans un communiqué cette comparaison avec la Stasi de « grave faute morale » et a jugé que « la comparaison entre la République française et l’Allemagne de l’Est est insupportable ».

Christiane Taubira dans le viseur de Sarkozy

La ministre de la justice a réagi en mettant en avant la loi. Elle était directement visée par l’ancien chef de l’Etat dans sa tribune : « Je sais, la ministre de la Justice n’était pas au courant, malgré tous les rapports qu’elle a demandés et reçus. Le ministre de l’Intérieur n’était pas au courant, malgré les dizaines de policiers affectés à ma seule situation. De qui se moque-t-on? On pourrait en rire s’il ne s’agissait de principes républicains si fondamentaux. Décidément, la France des droits de l’homme a bien changé ».

Christiane Taubira  lui répond en ces termes dans un communiqué : « Dans un Etat de droit, la mise en œuvre de la loi prévoyant les interceptions judiciaires par des juges indépendants ne peut pas être comparée aux pratiques à l’œuvre dans des régimes autoritaires ou totalitaires » et estime que les propos de Nicolas Sarkozy sont une « injure à l’égard des citoyens français et des juges ».

Défense en règle organisée à droite

On s’en doute, les cloches ont sonné de manière bien différente à droite. Et valeureux soldat, le secrétaire général de l’UMP, Jean François Copé, a été le premier à monter au créneau  en affirmant que la tribune de l’ex-président est « une réponse courageuse, forte et indispensable aux accusations incessantes et violentes dont il fait l’objet de la part du gouvernement et de certains organes de presse ». L’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, Nadine Morano a pour sa part estimé qu’il avait eu « vraiment raison de le faire » alors que le secrétaire général adjoint de l’UMP, Geoffroy Didier, a déclaré  sur BFMTV  que Nicolas Sarkozy avait « a choisi l’écrit et non l’oral pour susciter la réflexion et donc ne pas céder à l’émotion. Les mots sont pesés et en même temps très forts ».

Autre aficionado de l’ancien chez de l’Etat, Guillaume Peltier, le vice-président de l’UMP salue « cette intervention à la fois solennelle et forte ». Laissons la conclusion à Nicolas Sarkozy lui-même qui affirme dans sa tribune : « je n’éprouve nul désir de m’impliquer aujourd’hui dans la vie politique de notre pays ». Faut-il prendre le mot « aujourd’hui » comme une notion de temps instantané ou universel ? « Aujourd’hui » exclurait-il le « demain » de 2017 contrairement à ce que claironne sa plus grande supportrice, Bernadette Chirac ? A voir…

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

Tribune de Nicolas Sarkozy (20 minutes)

François Mitterrand et les écoutes téléphoniques (Libération)

 

 

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