Intervention au Mali, mariage pour tous… L’actualité se bouscule sous les pas du gouvernement, tant et si bien que l’accord sur l'emploi conclu par les partenaires sociaux à l’arrachée vendredi 11 janvier, est presque passé inaperçu dans la richesse de l’actualité. Et pourtant, c’est bien une réforme du marché du travail que propose ce texte. D’ailleurs, le ministre du travail Michel Sapin a qualifié cet accord de « décisif pour les entreprises et pour les salariés ». Il a estimé dimanche 13 janvier sur BFM TV qu’il pouvait être « un accélérateur de création d'emploi », car il fera « sauter la peur de l'embauche ». « Il permet d'éviter de détruire des emplois », grâce à la « possibilité de négocier dans chaque entreprise des mécanismes qui permettent d'éviter de licencier », a-t-il expliqué.
C’est au terme de trois mois de négociation entre syndicats et patronat et d’une journée marathon que cette réforme encore future a pu voir le jour. Ce projet de loi sera en effet, présenté en Conseil des ministres le 6 ou le 13 mars, puis examiné en urgence par le Parlement en vue d'une promulgation fin mai. Il augure à la fois des mesures de flexibilité pour les entreprises et étend les droits des salariés et des chômeurs. C’est François Hollande qui avait impulsé l’idée au congrès de la mutualité à Nice en octobre dernier de « généraliser à l'horizon de 2017 l'accès à une couverture complémentaire de qualité ».
Des droits qui sécurisent les salariés
Le principe est inscrit désormais dans ce texte qui prévoit pour le 1er janvier 2016 au plus tard, que toutes les entreprises devront proposer une mutuelle collective et prendre la moitié du coût en charge. Il sécurise aussi les salariés licenciés qui pourront garder leur mutuelle pendant un an contre 9 mois aujourd’hui. L’une des mesures phares, condition intangible que la CFDT avait fait de sa signature : le texte pénalise les entreprises grandes utilisatrices de CDD qui seront pénalisées. Leur cotisation chômage sera portée de 4 points à 7 lorsqu'ils signeront des contrats de moins d'un mois et à 5,5% lorsque le CDD durera entre un et trois mois. Le texte limite aussi les temps partiels et prévoit qu’un employeur ne devrait plus pouvoir proposer un contrat de travail inférieur à 24 heures par semaine. L’objectif est d’éviter les situations salariées qui ne permettent pas de gagner suffisamment d’argent et exigent en échange de cumuler plusieurs emplois. Las, les nombreuses dérogations devraient limiter la portée de cette belle mesure.
Plus de souplesse pour les entreprises
Coté patrons, les mesures se veulent aussi protectrices des entreprises et de leurs difficultés économiques en introduisant plus de souplesse. Ainsi, un employeur qui souhaite réorganiser ses effectifs, mais sans supprimer de postes, pourra désormais imposer à un salarié une « mobilité interne ». Sous réserve de ne pas baisser son salaire, ni le déqualifier. Ensuite, les procédures classiques de licenciement économique sont profondément modifiées. Faute d'accord avec les syndicats majoritaires, l'employeur pourra désormais élaborer lui-même un plan social et le soumettre simplement à l'homologation du ministère du Travail. Enfin les mesures Sarkozy qui avaient fait hurler les syndicats en permettant aux entreprises de baisser les salaires ou d’augmenter les heures de travail en cas de problèmes économiques sérieux, sont maintenues tout en étant très encadrées. Désormais, un salarié qui refusera sera licencié pour motif économique et non pour faute grave et pourra bénéficier de l'assurance chômage et d'indemnités de licenciement. Au-dessus de 9 licenciements économiques, l'entreprise devra engager un plan de sauvegarde de l'emploi. Enfin, le texte prévoir une très forte réduction des délais durant lesquels les salariés pourront contester devant les juges un licenciement ou le non-paiement d'heures supplémentaires. Et ce type de mesures pourrait faire de belles vagues ondulantes sous formes de manifs très bruyantes une fois qu’elles passeront le cap de la réalité règlementaire… A suivre…
Véronique Pierron