Il l’a dit et répété lors de l’entretien du 14 juillet : « Tant que je suis président, il n'y aura pas d'exploration de gaz de schiste », Le président a ainsi fermé la porte d’une manière définitive à ces hydrocarbures non conventionnels. Et pour bien marquer son désaccord irréfragable à toute possibilité d’avenir, il a déclaré que même l’exploration serait interdite. Et à un an des élections municipales, c’est un très beau cadeau que François Hollande fait à Europe-écologies les Verts. D’ailleurs lundi, les écolos ne boudaient pas leur plaisir. Il faut dire que la majorité doit travailler à resserrer ses rangs et surtout a besoin de séduire ses alliés dans cette perspective électorale qui est loin d’être gagnée d’avance. A l’annonce présidentielle, le désarroi des pétroliers est immense. Un expert pétrolier confiait dans les colonnes du Monde : « Nous pensions que le président de la République allait ajouter quelques mots, comme il l'avait fait en novembre 2012, en expliquant que la recherche de techniques alternatives à la fracturation hydraulique continuait et qu'il prendrait « ses responsabilités » si une nouvelle technique apparaissait ».
Mais… mais malgré ces calculs politiques, les passions soulevées autour du gaz de schiste bivouaquent aussi vers une vraie préoccupation en matière d’environnement. Et le moins que l’on puisse dire est que sur cette ligne, les gouvernements qui se sont succédés depuis 2011 – date de l’interdiction de la fracturation hydraulique par la loi du 13 juillet 2011 - n’ont pas fléchi et ont gardé le cap. Jean-Marc Ayrault a d’ailleurs affirmé jeudi dernier pour la première fois que son objectif était de « réduire la consommation d'énergie fossile ». Le signe qu'en un an, le gouvernement s'est montré de plus en plus ferme sur l'exploitation et l'exploration du gaz de schiste. Pour preuve, le sérieux recadrage d’Arnaud Montebourg par Jean Marc Ayrault qui avait de nouveau, proposé d’exploiter le gaz de schiste dont abonde le sous sol de l’Hexagone.
Une promesse de croissance qui laisse rêveur
En novembre 2012, le rapport Gallois relance le débat en défendant la nécessité d'exploiter le gaz de schiste afin de réduire la dépendance énergétique du pays. Arnaud Montebourg en profite et affiche son désir de pouvoir exploiter proprement cette nouvelle énergie. Justifiant les propos de son collègue, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, glisse alors que « l'exploitation du gaz de schiste ne peut pas être écartée pour l'éternité ». Et à l’heure où la France aborde la délicate question de la transition énergétique, cette manne devient pour certains providentielle. Et parfois même miraculeuse. Ils s’imaginent déjà, à l’instar de la croissance américaine. Prospective qui laisse rêveur car aux Etats Unis, près de 600 000 emplois liés pourraient voir le jour d’ici 2020, tandis que le prix du gaz ne cesse de diminuer : il est environ 4 fois moins cher qu’en Europe. Au jeu du sous sol, la France n’a rien à envier aux américains car elle dispose d’importantes réserves, à peu près 5 000 milliards de m3 selon l’US Energy Information Administration (EIA). Leur exploitation permettrait, toujours selon des estimations, de créer environ 62 000 emplois supplémentaires. Toutefois, les impacts de cette exploitation via la fracturation hydraulique sur le climat et l’environnement sont aujourd’hui avérés car observés depuis les 15 années que les Etats Unis exploitent ces hydrocarbures.
Pourquoi la fracturation hydraulique est-elle aussi décriée ?
Le gaz de schiste est emprisonné au sein de roches sédimentaires d’origine argileuse situées à de grandes profondeurs, généralement entre 2 000 et 3 000 mètres. Pour l’extraire, il est nécessaire de procéder à un forage vertical puis horizontal. Un liquide composé d’eau, de sable et d’additifs est ensuite injecté sous pression (jusqu’à 600 bars) afin de fracturer la roche pour en libérer le gaz naturel. Celui-ci peut ensuite se faufiler au travers des microfissures, puis dans le tubage en béton pour remonter jusqu’à la surface.
Des puits passent régulièrement au travers de nappes phréatiques situées à moins de 1 000 m de profondeur qui alimentent des réseaux d’eau potable. Or, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a établi que plusieurs de ces réserves ont été polluées. Cet organisme a analysé de l’eau potable recueillie dans 28 puits du Wyoming. Les résultats posent de réelles questions sanitaires. En effet, 9 sites contenaient du phosphate de tributoxyéthyle, un additif neurotoxique entrant dans la composition du fluide de fracturation, en plus d’autres substances cancérigènes ou de perturbateurs endocriniens (jusqu’à 33 % des composés).
Mais ce n’est pas la seule question que soulève la fracturation hydraulique. Elle exige l’utilisation de 10 000 à 20 000 m3 d’eau. Or, entre 20 et 80 % du fluide injecté remontent en surface lors de la mise en exploitation du puits (chiffres du groupe Total). Et lorsqu’elle remonte, l’eau est chargée des éléments chimiques présents sous terre : métaux lourds, particules radioactives comme le radium 226 et le radium 228, d’après un rapport du National Council on Radiation Protection & Measurements … Et ce n’est pas tout. Entre 3,6 et 7,9 % du gaz produit outre-Atlantique s’échapperait dans l’atmosphère, soit à la sortie des puits, soit durant les étapes de transport ou de transformation. La majorité du gaz se compose de méthane, un gaz réchauffant très puissant. Cette information a été dévoilée en avril 2011 par Robert Howarth de l’université de Cornell (États-Unis). Peut-on dire par conséquent, que l’anathème du gouvernement n’est pas purement électoraliste ?
Véronique Pierron
Pour en savoir plus :
L’entretien du 14 juillet (France Télévisions)
La fracturation hydraulique (Energie Sciences)
La loi du 13 juillet 2011 (Legifrance)
Le rapport Gallois relance le débat (JDD)
Arnaud Montebourg et le gaz de schiste (Le Monde)
National Council on Radiation Protection & Measurements (site officiel)
Robert Howarth (Université de Cornell)