Prudence ? Concertation ? De toute évidence, cette réforme des retraites ne sera pas la dernière si l’on en croit les voix qui commencent à s’élever depuis son annonce. Celles de l’opposition bien entendu ou celle du directeur de l’institut Montaigne, Laurent Bigorgne, qui tout en concédant qu’elle était nécessaire, déclarait le 26 aout dernier dans l’Usine Nouvelle : « Pour redresser durablement le système, il faut jouer sur tous les paramètres. A commencer par les pensions des retraités dont il faudrait revoir les modalités d’indexation ».
Jean Marc Ayrault avait pourtant prévenu à l’avance de l’intention du gouvernement de sa prudence le 25 août dernier, lorsqu’il avait déclaré à La Rochelle lors de l’université d’été du PS : « Est-ce qu'une réforme courageuse doit être punitive ? Si on ne saigne pas les gens à blanc, cela veut-il dire qu'il n'y a pas de réforme ? ». Les deux jours qui ont suivi ont été occupé par une concertation avec les organisations patronales et syndicales. C’est le 27 aout que Matignon a dévoilé sa réforme. Au menu et comme on le pressentait déjà, la durée de cotisation sera portée à 43 ans en 2035. Elle s’élèvera en 2020 à 41 ans et trois trimestres pour atteindre les 42 ans en 2023 et ce progressivement jusqu’en 2035. Défendant cette mesure, Jean Marc Ayrault avait déclaré sur le parvis de Matignon : « C'est ma responsabilité de rétablir durablement l'équilibre financier de nos régime » de retraite. Et pour y parvenir, il n'est pas d'autre solution que d'allonger la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein ».
Pour compenser cette mesure défavorable pour ceux que l’on appelle déjà la « génération sacrifiée », la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine a annoncé jeudi, des mesures en faveur des étudiants soit une aide de 1 000 euros par trimestre racheté pour compléter leur durée de cotisation à la retraite, dans la limite de quatre trimestres. « Pour ceux qui font des études après le bac, des études universitaires, nous mettons en place un dispositif de rachat (de trimestres) très favorable pour que les étudiants puissent valider des périodes passées en études », a-t-elle expliqué. Avant de préciser que le prix d'un trimestre « dépend de l'âge que vous avez et de la durée des études que vous avez faites, mais nous allons apporter une aide de 1 000 euros par trimestre qui serait racheté, dans la limite d'un certain nombre de trimestres ».
Les cotisations des entreprises augmentées
La seconde mesure annoncée concerne les entreprises qui vont voir leurs cotisations vieillesse augmentées dès 2014 et ce, progressivement sur 4 ans : 0,15 point en 2014, puis 0,05 supplémentaire en 2015, 2016 et 2017, soit au final 0,3 point pour les actifs comme pour les employeurs en 2017. Mesure qui devrait à elle seule, apporter un gain de 4,4 milliards d'euros. Le premier ministre a précisé que « Tous les régimes seront concernés : celui des fonctionnaires, les régimes spéciaux comme le régime général ou par exemple celui des indépendants selon des modalités propres ».
Les réactions n’ont pas manqué et lors de l’ouverture de l’université d’été de Medef, le nouveau président du Medef, Pierre Gattaz, avait attaqué tout de go, le gouvernement en jugeant la réforme des retraites « pas acceptable » pour le Medef. Ce à quoi, Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, a répliqué que Pierre Gattaz en faisait « des tonnes » sur la réforme des retraites. « Le patronat sort grand gagnant de cette pseudo consultation où les cartes ont été biseautées avec le transfert annoncé par le gouvernement des cotisations familiales payées par les entreprises (34 milliards d'euros) vers les ménages », a-t-il poursuivi dans un communiqué.
A coté de cela, le gouvernement prévoit de mettre en place un compte pénibilité à partir du premier janvier 2015 qui sera financé par les entreprises comme l’a précisé le chef du gouvernement, ce compte personnel de pénibilité sera : « financé par une cotisation des employeurs : une cotisation minimale de toutes les entreprises et une cotisation de chaque entreprise tenant compte de la pénibilité qui lui est propre ».
Par contre une mesure attendue n’a pas été retenue par le gouvernement : la hausse de la CSG. Le premier ministre l’a justifié en expliquant qu’elle « pèserait sur l'ensemble des ménages, elle n'a pas été créée pour financer les retraites ». Au total, avec cette nouvelle réforme des retraites, le gouvernement compte faire des économies à hauteur de 7,3 milliards d’euros en 2020 pour le régime général. Une somme qui permettra de compenser le déficit du régime général, évalué à 7,6 milliards d'euros en 2020. L'équilibre de tous les régimes devrait être atteint, selon le gouvernement, en 2040.
Véronique Pierron
Pour en savoir plus :
Laurent Bigorgne, directeur de l’institut Montaigne (Usine Nouvelle)
L’université d’été du PS à la Rochelle (L'Express)
Entreprises : cotisations vieillesse augmentées dès 2014 (La Tribune)