Alors qu’il n’était pas président de la République et même pas candidat à la présidence désigné par la primaire socialiste, François Hollande a subi en février 2011, une petite intervention chirurgicale de la prostate, plus exactement « hypertrophie bénigne de la prostate » a précisé un communiqué de la présidence de la République. Et là, c’est le drame. Depuis l’annonce de cette opération bénigne la presse, le public est en presque délire. Pourtant, Marc Zerbib, le chirurgien urologue de l'hôpital Cochin, a confirmé qu'il s'agissait d'une hypertrophie bénigne provoquant des difficultés urinaires, soulignant qu'il y avait 60 000 interventions de ce type chaque année en France. Le Premier ministre a invoqué le droit au respect de la vie privée en jugeant normal que l'opération n'ait pas été rendue publique, et il a déploré « une espèce de dérive » médiatique en France au nom de la transparence médicale exigée, sans obligation constitutionnelle, de tout chef d'Etat.
Présidents malades, presse et public traumatisés
Mais il faut bien le dire, les affaires de santé de leurs chefs d’Etat traumatisent en général les Français. Et durant la cinquième République, aucun d’entre eux n’a été épargné. Des plus graves problèmes d’un Georges Pompidou qui subissait une chimiothérapie quotidienne, à François Mitterrand atteint d’un cancer de la prostate et du secret qui entourait cette maladie diagnostiquée en 1981 et révélée en 1992. Son médecin personnel, Claude Gubler, révèlera que les bulletins de santé publiés étaient mensongers. Puis, il y eut l’AVC du président Chirac qui avait été taxé de malaise bénin par son entourage. Et dans cette atmosphère de cachotteries permanentes, le Français développe une espèce de traumatisme qu’il enrobe allègrement d’une théorie du complot face à la santé de ses présidents à tel point que même le malaise vagal de Nicolas Sarkozy deviendra une affaire d’Etat. Les polémiques autour des prostates présidentielles ne datent pas d'aujourd'hui. Avant Mitterrand, le Général de Gaulle, opéré alors qu'il était à l'Elysée en 1964 avait suscité des effets de presse et des commentaires publics qui lui avait valu cette réplique : « Avant les Français me regardaient comme si j'étais la France, maintenant ils savent que je suis incontinent ».
La transparence
Pourtant, face à la vindicte publique et médiatique, la présidence a cru bon d’intervenir et la porte parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem a souligné que l’opération de 2011 « n'a aucunement altéré son discernement ou même son état physique » avant d’ajouter « N'ayez aucun doute sur le fait que depuis que François Hollande est président, les bulletins de santé révèlent son état de santé de façon exhaustive ». Le prochain bulletin de santé sera publié début 2014 alors que le dernier bulletin en date remonte au 6 mars, un examen clinique et para-clinique « normal ». Un premier bulletin, lui aussi « normal », avait été publié en juin 2012. Puis c’est la ministre de la Santé, Marisol Touraine qui a rappelé le droit au secret médical. « Nous parlons d'un événement qui est intervenu alors même qu'il n'était pas engagé dans la campagne présidentielle (...) tout cela n'a pas à entrer dans le champ public », a-t-elle dit à l'issue du conseil des ministres. Et pour le centriste François Bayrou, interrogé sur Europe 1, « le président de la République, comme toute personne, (...) a droit au respect de sa vie privée dès l'instant que ça n'a pas de conséquence sur l'exercice du mandat ».
Véronique Pierron
Pour aller plus loin :
Hypertrophie bénigne de la prostate (Site Pourquoi Docteur)
Georges Pompidou (Libération)
François Mitterrand (Libération)
Jacques Chirac (Le Figaro)
Nicolas Sarkozy (Le Monde)