Saisi par les autorités maliennes le 18 juillet 2012, le bureau du procureur a annoncé, dans un communiqué du 16 janvier, l’ouverture officielle d’une enquête sur les crimes présumés commis sur le territoire Malien depuis le début des troubles en janvier 2012, par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda. Selon elle, « divers groupes armés ont semé la terreur et infligé des souffrances à la population par tout un éventail d’actes d’une extrême violence à tous les stades du conflit », dont « certains pourraient constituer des crimes de guerre au regard du Statut de Rome », traité fondateur de la CPI ratifié par le Mali en 2000.
De nombreux crimes au nord du Mali attribués aux groupes armés
L’enquête préliminaire – qui fait l’objet d’un rapport - a en effet révélé « qu’une base raisonnable existe pour croire » que ces groupes armés ont commis les crimes que sont, le meurtre (jusqu’à une centaine de détenus exécutés en janvier 2012), les mutilations, les actes cruels et la torture, les attaques dirigées contre des biens protégés (monuments historiques et religieux à Tombouctou), les condamnations et exécutions sans jugement par un tribunal régulièrement constitué, le pillage et le viol (jusqu’à 90 cas de viol ou de tentatives de viol signalés fin mars, début avril). Crimes qui auraient été principalement commis dans les régions de Gao, de Tombouctou et de Kidal, dans le nord du pays, et qui sont attribués pour la plupart à des groupes armés tels que le MNLA, Ansar Eddine, le MUJAO, AQMI et d’autres milices, selon le rapport du bureau du procureur.
La justice pour rétablir la paix
Si le procureur entend rendre « justice aux victimes maliennes en enquêtant sur les personnes portant la plus lourde part de responsabilité dans les crimes présumés », il rappelle qu’aujourd’hui « les populations sont exposées à des risques accrus de violence et de souffrance » et que « la justice peut jouer son rôle en soutenant les efforts communs de la CEDEAO, de l’Union africaine et de la communauté internationale dans son ensemble pour mettre un terme à la violence et rétablir la paix dans la région ». Fatou Bensouda ajoute que « des organisations régionales et internationales clés ont reconnu l’importance de la justice dans la résolution de la crise qui secoue le Mali. »
En effet, bon nombre de membres de la communauté internationale, dont la France, et d’ONG, tels que Human Right Watch (HRW), la FIDH, ou Amnesty international, ont soutenu cette saisine de la CPI car ils s’inquiètent de l’augmentation des violences infligées à la population, de l’utilisation d’enfants par les groupes armés et de la multiplication des allégations d’exactions perpétrées par l’armée régulière malienne. Or, les autorités maliennes ayant déféré à la CPI les crimes commis depuis janvier 2012 mais n’ayant pas précisé de date d’échéance, la Cour est habilitée à enquêter sur les crimes commis ultérieurement, notamment sur ces allégations d’exactions et prochains actes pouvant relever du crime de guerre. Aussi, à l’instar de Corinne Dufka de HRW, beaucoup considèrent que cette ouverture d’enquête par la CPI « envoie un message important à tous les acteurs du conflit, dont les rebelles séparatistes, les combattants islamistes, les soldats du gouvernement et les troupes étrangères que des abus de droits de l'homme ne resteront pas impunis. »
Anne-Laure Chanteloup