La France s’est vu accorder un délai de deux ans pour réduire son déficit public, avec comme calendrier : ne pas dépasser les 3,9% du PIB cette année puis passer à 3,6% en 2014 et à 2,8% en 2015. Afin d’atteindre ces objectifs et relancer son économie, l’Union européenne (UE) engage la France à adopter rapidement des réformes structurelles. Ce mercredi 29 mai, dans le cadre de ses recommandations économiques aux pays européens - « fondées sur une analyse approfondie des plans d’assainissement des finances publiques de chacun des États membres ainsi que des mesures mises en œuvre pour stimuler la croissance et l’emploi » - accompagnées d’une évaluation globale sur les progrès accomplis et à accomplir pour sortir l’Europe de la crise, la Commission a publié ses recommandations concernant le programme national de réforme de la France pour 2013.
Des recommandations pour « stimuler la compétitivité, la croissance économique et la création d’emploi » et corriger les déséquilibres budgétaires
La Commission enjoint à la France de mettre en œuvre toutes les réformes structurelles - « pour accroître la capacité d’ajustement et stimuler la croissance et l’emploi » - nécessaires à « la correction du déficit excessif de manière durable en 2015 au plus tard ». Selon elle, il s’agit notamment de réduire et renforcer l’efficacité les dépenses publiques, en réexaminant les « postes de dépenses dans tous les sous-secteurs des administrations publiques » et en améliorant « les synergies et les économies entre les différents niveaux de l’administration » dans le cadre de la loi de décentralisation. Elle vise également les retraites - avec une réforme qui devrait être mise en œuvre dès cette année et avec un objectif de retour à l’équilibre en « 2020 au plus tard » - les dépenses de santé – avec une amélioration du rapport coût-efficacité – et l’assurance chômage - avec une réforme considérée, elle aussi, comme urgente pour encourager « de manière adéquate le retour à l’emploi ». Elle plaide également pour la mise en œuvre rapide et intégrale de l’accord interprofessionnel de janvier 2013, l’amélioration de l’accès au marché du travail, en particulier des chômeurs les plus âgés et la lutte contre sa segmentation.
Ces préconisations concernent également la compétitivité. Citant en exemple le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, la Commission invite à poursuivre la réduction du coût du travail, avec notamment une baisse des cotisations sociales patronales, à « faire en sorte que le salaire minimum évolue d’une manière propice à la compétitivité et la création d’emploi », à « améliorer l’environnement des entreprises » et à développer leur capacité d’innovation et d’exportation, en particulier pour les PME. Sur le système fiscal, qu’elle souhaite voir simplifiée, un déplacement de la charge fiscale sur le travail vers les taxes environnementales ou à la consommation est prôné.
La Commission plaide en outre pour un renforcement de la concurrence, la libéralisation dans le secteur des services – avec l’ouverture des professions réglementées, la simplification de l’autorisation des ouvertures de commerces, la fin des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité pour les usagers autres que les ménages ou encore l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire intérieur.
François Hollande considère que « la Commission n’a pas à nous dicter ce que nous avons à faire »
« Un message d’exigence qui est en ligne avec les préoccupations exprimées par le président français » selon José Manuel Barroso, président de la Commission, qui pourtant semble irriter François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Si le ministre de l’Économie et des Finances, Pierre Moscovici, considère que « pour l’essentiel, ces recommandations confortent les chantiers du gouvernement », le président de la République et le Premier ministre, bien qu’ils soient d’accord sur le diagnostique : la nécessité de réformes, ont fait savoir qu’ils n’entendaient pas se laisser dicter leur conduite. Pour Jean-Marc Ayrault : « Il n’y a pas de surprise » ces mesures sont dans « la droite ligne de ce qui avait été annoncé ». « La France va respecter ses engagements, ce qui implique un certain nombre de réformes que nous ferons à notre manière ». Il a été rejoint par François Hollande qui, en déplacement à Rodez, a déclaré : « la Commission européenne n’a pas à nous dicter ce que nous avons à faire. Elle a simplement à dire que la France doit rétablir ses comptes publics ».
Des recommandations s’inscrivant dans le « semestre européen », mécanisme de coordination des politiques économiques de l’UE
Si Président et le Premier ministre français se sont offusqués de ces recommandations, elles sont pourtant énoncées – et pas encore adoptées - en vertu des nouvelles procédures de contrôle budgétaire et de coordination des politiques économiques de l’UE, le cycle annuel « semestre européen » - dans le cadre de l’engagement des pays membres dans la stratégie de croissance sur dix ans de l’UE « Europe 2020 ». Elles découlent de l’analyse de la Commission de la présentation par la France, en avril, de son programme de stabilité et de son programme national de réforme pour 2013. Elles seront soumises à l’examen des chefs d’État et de gouvernement lors du Conseil européen des 27 et 28 juin. Les pays devront alors « s’efforcer de les intégrer dans leurs budgets nationaux et leurs programmes de réforme économique pour la période 2013-2014 ». La Commission précise qu’alors « des avertissements politiques peuvent être adressés si les recommandations ne sont pas exécutées dans les temps » mais que « des mesures incitatives et des sanctions peuvent être prises » seulement « en cas de déséquilibres macro-économiques et budgétaires excessifs ». Ces recommandations n’ont donc pas de réelle force contraignante.
Anne-Laure Chanteloup
Pour en savoir plus :
La commission prend des mesures dans le cadre de la procédure concernant les déficits excessifs (Communiqué de la Commission européenne)
Recommandations concernant le programme national de réforme de la France pour 2013 (Commission européenne)
Recommandations économiques aux pays européens 2013 (Commission européenne)
évaluation globale : Semestre européen 2013 : recommandations par pays, sortir l'Europe de la crise (Commission européenne)
Pressé par Bruxelles, Ayrault s’attaque à la réforme des retraites (par Mathilde Leleu, AllGov France)
Biographie Jean-Marc Ayrault (AllGov France)
Biographie de Pierre Moscovici (AllGov France)
La réponse de Ayrault à Bruxelles : "nous ferons les réformes à notre manière" (L’Expansion)
Déficits : François Hollande se rebiffe face aux exigences de Bruxelles (par Sylvie Johnsson, France Info)
Coordonner pour concrétiser : le semestre européen (Commission européenne)
Europe 2020 en bref (Commission européenne)