Ca y est, elle possède enfin son acte de naissance depuis le conseil des ministres du 17 octobre. La Banque publique d’investissement est sans conteste, le joyau du Président de la République et son rôle sera central dans la politique économique du gouvernement. L’ambition du chef de l’Etat est de reproduire en France grâce aux financements de la BPI, le succès du « Mittelstand », ce vivier d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui assurent à l'Allemagne une balance commerciale largement excédentaire. Et prenant encore comme référence un produit germanique, à savoir la banque publique allemande KfW, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé que la BPI aurait une capacité globale de financement de 40 milliards d'euros et pourrait se refinancer sur les marchés. Pourtant… les milliards d’une banque toute nouvelle ne seront pas à même de résoudre toute seule les lacunes des ETI en France car c’est une particularité hexagonale qui tient essentiellement à notre code civil. Une ETI se façonne sur plusieurs générations or le processus est souvent interrompu en France à cause du droit des successions qui impose une succession à égalité entre les enfants alors que d’autres pays ne connaissent pas ce système. Peut être qu’un amendement au droit civil sera au final indispensable pour parfaire le copié-collé allemand….
En bref, les missions de la BPI qui intègre Oséo et le Fonds stratégique d'investissement (FSI) sera selon le premier ministre Jean Marc Ayrault : « bien sûr de faire des prêts mais c'est aussi d'accompagner tout au long de leur vie et de leur développement chacune des entreprises, de les aider à l'export, de les soutenir à l'innovation et de favoriser partout la transition énergétique ». Prenant la parole à son tour, Pierre Moscovici a détaillé que la puissance de frappe de 40 milliards d’euros « donne une capacité de 20 milliards d'euros en prêts, 12 milliards d'euros de capacité en garanties, 10 milliards d'euros de capacité d'investissement en fonds propres sur le quinquennat ». En plus, la banque bénéficiera des liquidités que les Français auront eu la possibilité de transférer grâce au doublement du plafond du Livret de développement durable et l'augmentation de celui du Livret A.
Atomic Anne la mal aimée de Bercy
Et surprise pour la gouvernance où on attendait Anne Lauvergeon, c’est Nicolas Dufourcq qui pointe au final, le bout de son nez. Il semblerait qu’Atomic Anne ait réussi le tour de force de mettre tout le monde d’accord… contre sa candidature à la tête de la BPI. Alors même qu’elle faisait office de favorite à l’Elysée. Contre toute attente, Bercy et la Caisse des Dépôts qui représentent chacun 50% de la BPI se sont donné la main pour faire rempart contre la très énergique ex patronne d’Areva craignant sans doute de perdre le contrôle sur leur « bébé ». Les murs du groupe nucléaire se souviennent encore de l’énergie déployée par Atomic Anne pour résister à ses autorités de tutelle.
Au final, le consensus et la sérénité de Nicolas Dufourcq numéro 2 de Capgemini ont été préféré à la fougue d’Anne Lauvergeon. Agé de quarante-neuf ans et ancien PDG de Wanadoo, il possède cette rare qualité pour Bercy d’être à la fois diplômé d’HEC et issu de l'Inspection des finances alors que l’ancienne patronne d’Areva a le mauvais goût d’appartenir au corps des Mines. Bref, Dufourcq possède une culture similaire à celle de Jean-Pierre Jouyet, le directeur général de la CDC, et à celle des équipes du Trésor à Bercy. Tout est bien dans le meilleur des mondes possibles… Le gouvernement a ainsi donné à Nicolas Dufourcq la mission de « préfigurer » sa direction générale, la présidence étant comme prévu assurée par Jean-Pierre Jouyet. « Monsieur Dufourcq a vocation évidemment à diriger » la BPI, a déclaré mercredi le ministre de l'Economie en marge d'une conférence de presse annonçant la naissance officielle de la BPI.
Véronique Pierron