« Une mesure injuste, inutile et inefficace. Humiliante pour les agents. » Voilà pourquoi Marylise Lebranchu a décidé de supprimer le jour de carence pour les fonctionnaires en cas d’arrêt maladie. La ministre de la Fonction publique l’a annoncé mercredi, accédant ainsi à l’une des principales revendications des 5,2 millions de fonctionnaires. Elle en fera la proposition dans la prochaine loi de finances pour que l’abrogation soit effective à partir de 2014. Instaurée par le gouvernement Fillon, cette mesure était entrée en vigueur début 2012. Par souci d’égalité avec les salariés du privé qui, eux, ont trois jours de carence, pour faire des économies et pour lutter contre l’absentéisme dans la fonction publique.
Des arguments réfutés par Marylise Lebranchu, qui estime que ce jour de carence n’a tout simplement pas fait ses preuves. « La droite en avait fait un tract politique en arguant de la comparaison avec le privé, mais cela n’a aucun sens, car les jours de carence d’une large majorité de salariés y sont pris en charge par les employeurs », se justifie la ministre dans une interview accordée au journal Les Echos. Et de noter par ailleurs que « que les effets sur l’absentéisme ne sont pas démontrés ». « Entre 2011 et 2012, la proportion d’agents en arrêt court est passée de 1,2 % à 1 % à l’Etat, de 0,8 % à 0,7 % dans les hôpitaux et est restée stable, à 1,1 %, dans les collectivités », souligne-t-elle. Marylise Lebranchu balaie aussi l’argument d’économies avancé par le précédent gouvernement. Selon elle, « l'impact budgétaire du jour de carence est très limité, de l'ordre de 60 millions d'euros pour l’État ». Bien loin donc des 200 millions espérés avec cette mesure.
Pour autant, la ministre « ne nie pas qu’il peut y avoir, comme dans le privé, des arrêts abusifs contre lesquels il faut lutter ». Alors le contrôle des arrêts maladie sera renforcé dans la fonction publique, « dans les mêmes conditions que ceux des salariés du privé ». Elle précise que « l’obligation de transmission dans un délai de 48 heures des certificats médicaux ouvrant droit aux congés maladie sera par ailleurs strictement contrôlée et renforcée ». Et « une disposition législative sera proposée afin qu’une retenue sur salaire soit effectuée lorsque l’arrêt maladie n’est pas justifié dans ce délai. »
« Irresponsable », « manque de courage politique de François Hollande »... La droite est vent debout contre l’abrogation du jour de carence. Le chef de file de l’UMP Jean-François Copé a dénoncé un « clientélisme démagogique et dépensier » de la part du gouvernement, « alors que les perspectives de croissance et de réduction des déficits s'assombrissent ». Le Medef va dans le même sens que l’opposition. « Ce n’est pas raisonnable », a déclaré Laurence Parisot sur RTL. « Nous avons besoin de faire des économies. La France est « addict » à la dépense publique », a ajouté la patronne des patrons. Quant aux syndicats de fonctionnaires, ils ont exprimé leur satisfaction, mais ils attendent d’autres gestes de la part du gouvernement, et notamment côté salaires.
Caroline Moisson