Les militaires ont le moral en berne. Outre le sentiment d’être parfois mal considérés par la société française, depuis un an un grand nombre de militaires, en particulier de l’armée de terre, sont confrontées à de graves difficultés financières dues aux dysfonctionnements dans le paiement des soldes. La « grande muette » souffre et ce sont les conjoints qui témoignent et manifestent. S’inspirant de la méthode d’Américaines dénonçant le manque de soutien par les autorités à leurs maris atteints de stress post-traumatiques, « un paquet de Gauloises » clament leur détresse via des photos de leurs dos sur lesquels sont inscrits leurs messages. Soldes impayées ou incomplètes, prime d’OPEX (opérations extérieures) non versées, ou encore cotisations CSG doublées font parti des problèmes rencontrés depuis la mise en place du logiciel Louvois.
Lors des questions au gouvernement de ce mardi 30 octobre, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, répondant au député Philippe Nauche - lui-même sollicité par l’association « Militaires et citoyens » - a mis en cause les bugs du logiciel - il dénombre 75 « bévues » - qu’il juge inadapté, ainsi que la mise en œuvre « d’une réforme improvisée » avec la fermeture prématurée des centres de paiement et la mise en place trop rapide des bases de défense, ce qui a entrainé une « perte de repères » selon lui.
Le ministre reconnait qu’il « est indigne d’une nation de ne pas régler les soldes de ses soldats qui exposent leur vie ». Aussi, face à la mobilisation des familles et à cette situation qu’il qualifie d’ « invraisemblable », il a annoncé, le 25 septembre, un premier plan de bataille – avec notamment la mise en place d’un numéro vert « urgence solde » (ouvert le 1er octobre), d’un « comité d’utilisateurs » incluant acteurs de la solde et représentants des familles, d’un dispositif spécial pour ceux qui reviennent d’OPEX et d’un contrôle de la fonction solde. Afin de régulariser « au plus tard à Noël » la situation des quelques 10 000 militaires, il a ajouté le 29 octobre, un dispositif d’urgence avec l’affectation d’un fond de 30 millions d’euros « mobilisables immédiatement » au centre interarmées d’administration de la solde (CIAS) qui traitera, ainsi que les trésoriers militaires des groupements de soutien des bases de défense (pour les demandes jusqu’à 5 000 euros), les créances des militaires. En outre, le centre de paiement de la solde de Nancy voit ses effectifs renforcés par une centaine de personnels supplémentaires.
Les conclusions des audits internes et externes devraient être rendues en décembre. Quant à l’extension de l’utilisation de Louvois à l’armée de l’air et à la gendarmerie (prévues en mars et septembre prochains), le ministre a posé un moratoire « d’au moins deux mois, plus si nécessaire », le temps que le système soit « fiabilisé et stabilisé».
Anne-Laure Chanteloup