Alors que le gouvernement a reculé fin octobre sur l’écotaxe - le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé sa suspension et le report jusqu’à nouvel ordre -, les critiques se dirigent désormais vers Ecomouv’, la société privée chargée de collecter cette fameuse taxe dont les plus fervents opposants sont les Bretons. Le contrat entre l’État et Ecomouv’ a été signé sous le précédent gouvernement. Lorsque Nicolas Sarkozy était encore à l’Élysée. Et les termes de cette signature sont au cœur d’une polémique. Au sein de la majorité comme dans l’opposition, les réactions se multiplient. Et les questions aussi.
Ecomouv’ est une filiale de la compagnie Autostrade per l’Italia à hauteur de 70%, Thales, SNCF, SFR et Steria se partageant le reste du capital. 1,15 milliards d’euros, c’est la somme que doit rapporter chaque année l’écotaxe, répartis entre l’État à hauteur de 750 millions d’euros, 150 millions d’euros pour les collectivités locales et 250 millions d’euros pour Ecomouv’. C’est ce dernier chiffre qui « fait l'objet d'interrogations », a déclaré David Assouline, porte-parole du PS. « Comment Écomouv a-t-il pu obtenir 20 % lorsque l'on sait que les traditionnels PPP (Partenariat Public Privé) ne décrochent en moyenne que 2 ou 3 % des recettes ? », s’est-il interrogé. D’ailleurs, comme l’a révélé ce week-end Le Parisien-Aujourd’hui en France, « la mission d’appui aux partenariats public-privé (PPP) avait, dans un rapport remis en février 2009, relativisé l’intérêt d’un tel montage ».
« Toute la lumière doit être faite sur ce qui apparaît comme un scandale politico-financier », a demandé David Assouline lors du point presse hebdomadaire du PS, évoquant « des soupçons de corruption » et « plusieurs anomalies relevées dans l’appel d’offres ». De son côté, le président du groupe socialiste François Rebsamen réclame l’ouverture d’une enquête parlementaire. Tout comme l’eurodéputée Eva Joly, qui estime qu’il « faut dénoncer ce contrat et faire une enquête ». Pour le député écologiste François-Michel Lambert, « tout démontre que ce contrat a été conclu contre l'intérêt de l'Etat, la vraie question est maintenant de savoir si cela a été fait volontairement ou par incompétence ». Et pour cela, il demande directement au gouvernement de répondre à une série de questions écrites pour « faire la lumière » sur ce partenariat.
À droite aussi, on s’interroge. « Je n'étais même pas au courant de cette signature de contrat avec une entreprise en charge de collecter l'impôt », a déclaré sur RMC l’ancienne ministre de la Justice Rachida Dati. « Ça me surprend, pour ne pas dire plus, qu'une entreprise privée et étrangère soit déléguée ou en charge de collecter l'impôt en France », a ajouté l’eurodéputée UMP. Xavier Bertrand, ancien ministre du Travail, s’est lui aussi allé à quelques critiques dimanche lors de l'émission Tous politiques France Inter/Le Parisien/France 24 : « Vous avez une taxe qui doit rapporter à peu près 1,2 milliard d'euros et il y a 250 millions d'euros pour la perception, pour la collecte. (…) Un impôt, je suis désolé, il doit être collecté par l'État. »
Sérénité en revanche du côté d’Ecomouv’. « Nous n’avons absolument rien à nous reprocher », a assuré sur BFM TV Michel Cornil, vice-président d’Ecomouv’. « Et tous les bruits qui circulent, nous les démentons formellement. »
Caroline Moisson
Pour en savoir plus :
Ecotaxe: le gouvernement décide la suspension nationale sine die (Lexpansion.com avec AFP)
Ecomouv' : la polémique enfle (Liberation.fr avec AFP)
Ecotaxe : les dessous d’un contrat à 1 Md€ (par Jannick Alimi et Boris Cassel, Le Parisien)
4 novembre 2013 : l'essentiel du point presse de David Assouline (Parti socialiste)
X. Bertrand sur l'écotaxe : "telles que les choses ont été définies (par la droite), je ne m'y retrouve pas" (France Inter)
Ecomouv: un scandale d'Etat ou un contrat légitime? (BFM TV)
Biographie de Jean-Marc Ayrault (AllGov France)