Remettre l’avortement au cœur du débat politique, c’est ce que souhaite Najat Vallaud-Belkacem la ministre des Droits des femmes interrogée sur le sujet dimanche sur France 3. Elle estime en effet que les libertés individuelles acquises sont mises à mal par certains courants conservateurs en Europe, et préconise un débat sur le droit à l’avortement lors des élections européennes au mois de mai.
« Un certain nombre de lobbies très conservateurs [...] partout en Europe, essayent de remettre en cause les acquis fondamentaux, » en matière de droits des femmes, a déclaré la ministre.
Elle a rappelé que le rapport Estrela, débattu au parlement européen en décembre, avait été rejeté par les députés. Ce rapport sur la santé et les droits reproductifs et génésiques « visait à augmenter les compétences de l’Europe sur les questions de droit sexuel et reproductif. »
En ligne de mire des pays où les droits des femmes reculent, l’Espagne et sa décision de limiter fortement l’avortement. C’était une promesse de campagne du chef conservateur du gouvernement espagnol Mariano Rajoy : le conseil des ministres lui a donné raison en adoptant le 20 décembre le projet de loi limitant le droit à l’avortement à deux cas spécifiques : s’il y a eu viol ou si la mère encourt un grave danger à poursuivre sa grossesse. Une autorisation parentale pour les mineures sera dorénavant nécessaire alors que seul l’accord du médecin permettait auparavant d’interrompre une grossesse.
Najat Vallaud-Belkacem estime que le projet de loi espagnol, qui doit être présenté au Parlement au printemps, reflète « d’une certaine façon » l’échec de l’Europe.
« C’est une position sur les questions de liberté de choix des femmes que nous ne partageons pas et contre laquelle il faudra nous exprimer, » a déclaré la ministre au nom du gouvernement en parlant du droit à l’avortement comme d’un « enjeu européen. »
En Europe justement, la législation est extrêmement sévère et restrictive en Pologne, la loi de 1993 limitant les interruptions volontaires de grossesse aux cas de viol, de danger pour la vie de la femme enceinte ou de déficience grave et incurable de l’enfant. L’Espagne semble donc régresser au niveau de la Pologne, même si les espagnols sont très majoritairement contre les restrictions de l’IVG et des dissensions apparaissent au sein même de la droite.
La France, elle, joue le contre pied de l’Espagne en supprimant de la loi de 1975 la notion de « détresse » pour pouvoir recourir à une IVG. Dorénavant, on parlera d’une femme enceinte « qui ne veut pas poursuivre une grossesse » plutôt que d’une femme « en situation de détresse.»
« Au sein du gouvernement, la volonté est de faciliter l’exercice de ce droit en luttant contre les entraves devant les centres d’IVG […] et sur Internet, » a rappelé la ministre des Droits des femmes. « C’est un droit fondamental, le droit à l’IVG, nous le défendrons et nous le préserverons le plus possible.»
Fanny Dassié
Pour en savoir plus :
Strasbourg refuse de faire de l'avortement un droit européen (Le Monde)
Espagne : la droite se déchire sur la remise en cause du droit à l'avortement (L'Express)
IVG : la situation de détresse suprimée de la loi Veil par les députés (TF1)