« Potiche », « gadget » ou « obsession sexuelle »… C’est en ces termes que les sénateurs ont parlé des femmes en rejetant la parité ! Le sénat ne serait-il définitivement qu’un ramassis de vieux misogynes réac ? C’est en tous les cas, dans une impression de malaise un peu écœurant que s’est terminée la séance du sénat du 17 janvier. A l’ordre du jour, l’article 2 du projet de loi électoral du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls. Ce mode d’élection décrit comme unique au monde, prévoit l’élection d’un binôme homme-femme de conseillers généraux dans chaque canton, histoire de redresser une parité un peu bancale sous le ciel de France. Mais rien de nouveau sous le soleil où les mentalités restent fossilisées au paléolithique. A jugé. Le sénat a rejeté le projet par 164 voix contre 144. L'UMP et la majorité des centristes ont voté contre. Ecologistes et communistes se sont abstenus ainsi que quelques centristes. Seuls le PS et le RDSE (à majorité radicaux de gauche) l'ont approuvé. Le vote, intervenu à l’issue de plus de huit heures de discussions passionnées avec quelques « dérapages » selon les regrets du ministre de l’intérieur sur la question de la parité. Manuel Valls avait pourtant longuement défendu ce nouveau mode de scrutin « clef de voute » de son texte en insistant qu’il fait le « lien avec le territoire » et la parité.
Laisser la place aux femmes ? Shocking !
La droite s’est alors dressée main sur le cœur, contre ce mode de scrutin qui implique une division par deux du nombre de cantons et donc une division par deux – aussi – du nombre d’élus masculins. Le prétexte de ce rejet ? Cette modification défavorisait les territoires ruraux. Mais un vent de testostérone bien mal utilisé s’est alors abattu sur les bancs de cette pauvre assemblée. C’est le centriste Hervé Maurey qui a ouvert le feu – si je puis dire – en qualifiant ce scrutin de « totalement baroque », de « gadget », et assurant que « beaucoup de femmes risquent de se retrouver dans le rôle de potiches ».
Il a tout juste terminé sa phrase que déjà, une autre idée lumineuse surgit de la cervelle du sénateur UMP Christophe Béchu qui vocalise à souhait : « De grâce pas d'obsession sexuelle collective. La parité doit-elle être absolue compte tenu de tout ce qu'on entend sur la théorie du genre, le mariage pour tous ». Mais c’était sans compter l’essai tout en finesse du sénateur UMP Bruno Sido qui s’est exclamé « C'est humiliant pour les femmes » et propose avec grandeur d’âme, de laisser ce binôme juste pour une mandature. Ainsi, les femmes « auront eu le temps de faire leurs preuves ».
Les femmes ne sont pas des gadgets
Mais cet essai de rouerie raté n’a pas résisté à l’esprit de la sénatrice PS Catherine Tasca qui glisse : « Des mesures transitoires en attendant que les femmes développent leurs compétences ? Et si on proposait aux hommes des examens pour vérifier leurs compétences ». Sur quoi la verte Hélène Lipietz rebondit pour s’indigner : « C'est inadmissible, scandaleux, accepteriez-vous messieurs, qu'ils soient tenus sur vous par des femmes. Nous ne sommes pas des gadgets », juste avant d’ironiser : « Vous êtes contre tout simplement parce que ce système supprime la moitié des cantons et la moitié des hommes élus ».
Et c’est alors que les femmes de droite sont à leur tour entrées dans la danse. Isabelle Debré et Sophie Primas (UMP) avouent alors qu'elles avaient voté contre la loi sur la parité, mais que sans cette loi, elles ne seraient pas parlementaires. Paradoxe à la française…. Bref, ce nouveau mode de scrutin, principal volet du projet de loi, doit être mis en œuvre pour la première fois à l'occasion des prochaines élections cantonales, reportées à 2015, en même temps que les régionales. Elles étaient prévues initialement en 2014 mais le calendrier électoral était trop chargé avec les municipales, les européennes et les sénatoriales. Sénat qui comptent depuis 2011, 348 sénateurs avec seulement 76 représentantes de la gente féminine…
Véronique Pierron