La loi de programmation militaire créé la polémique. Votée dans la quasi indifférence médiatique, l'article 13 de cette loi étend les conditions d'accès aux données téléphoniques et informatiques. Désormais, policiers et gendarmes peuvent consulter ces données sans l'autorisation d'un juge.
Surtout, cet accès n'est plus uniquement justifié par la défense de la sécurité nationale mais également pour la « sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France », « la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisée », « la reconstitution ou du maintien de groupements dissous » ou bien encore « la recherche de renseignements intéressant la sécurité nationale , comme l'a remarqué la Commission nationale de l’informatique et des libertés. La Cnil a par ailleurs admis qu'elle n'avait pas été consultée pour la préparation de la loi.
Les associations vent debout contre « la préparation d'un État totalitaire »
Celle-ci a été votée en première lecture à l'Assemblée nationale par 292 voix pour et 251 voix contre, mardi 3 décembre. Le 10 décembre, les sénateurs adoptaient définitivement la loi, par 164 voix contre 146. Le vote est survenu alors que la France, comme d'autres nations occidentales, s'était émue des opérations d'écoute opérées sur son territoire par l'agence américaine de sécurité nationale (NSA).
Un paradoxe selon certaines associations qui s'inquiètent du caractère liberticide de ce fameux article 13. « Cette loi permet de vastes écoutes sans intervention d'un juge en temps réel. Il s'agit d'une porte ouverte aux plus importantes violations des libertés individuelles », commente ainsi dans Le Point Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du net, association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet. « Il n'y aura plus de limite (…) C'est ni plus ni moins que la préparation d'un État totalitaire », ajoute-t-il.
L'@sic réclame un moratoire
« C'est d'autant plus scandaleux que les révélations d'Edward Snowden ont mis en lumière ce qu'étaient ces opérations de surveillance qui se font en dehors de tout contrôle. Ce texte va inscrire cette dérive de manière permanente », explique au Nouvel Observateur Clémence Bectarte, avocate et coordinatrice du groupe d'actions judiciaires de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme.
De son côté, l'@sic, qui regroupe les géants des services communautaires sur internet (AOL, Dailymotion, Google, Deezer, Priceminister, Facebook et Yahoo!) a réclamé la mise en place d'un moratoire concernant l'application de l'article 13.
Le gouvernement rassurant
Face à cette levée de boucliers, le gouvernement tente de rassurer. « Les libertés publiques seront présentes tout en maintenant l’efficacité opérationnelle du dispositif », défend Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. « Nous considérons que ce processus est valide sur le plan de la protection des droits individuels et des libertés publiques », ajoute le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg lors de la conférence Le Web le 12 décembre. « L'article 13 renforce en réalité le contrôle démocratique sur le renseignement », estime encore Fleur Pellerin, ministre déléguée en charge du Numérique, citée par La Tribune.
Même son de cloche auprès du socialiste Jean-Pierre Sueur. « On nous reproche d'avoir élargi le champ de la loi au-delà du terrorisme mais vérifiez dans la loi, tout y était déjà en 1991. On fournit juste plus de garanties », assure à La République du Centre le président de la commission des lois au Sénat.
Sylvain Chazot
Pour en savoir plus:
L'article 13 est-il plus dangereux pour Internet que les lois existantes ? (Slate)