Alain Juppé avait vu juste semble t-il. Dans la bataille qui fait rage entre Jean-François Copé et François Fillon pour prendre la tête de l’UMP, la position face à l’Islam semble bien devenir un argument majeur de campagne. Pour Jean-François Copé : un levier. Celui qui ne sera jamais, selon ses propres termes, « l’homme de l’eau tiède », se veut en effet le porte drapeau d’une droite décomplexée « qui combat le politiquement correct de la gauche bien pensante ».
Copé : dérapages contrôlés
Depuis la sortie de son livre-programme, Manifeste pour une droite décomplexée , le candidat multiplie phrases chocs et allusions à des thèmes chers à l’électorat de l’extrême droite. On l’a par exemple entendu évoquer « le racisme anti-Blancs qui se développe dans nos quartiers ». Le candidat n’a pas hésité non plus à déclencher la polémique en évoquant lors d’un meeting à Draguignan (Var), l’anecdote d’un enfant qui se «fait arracher son pain au chocolat par des voyous qui lui expliquent qu'on ne mange pas pendant le ramadan».
Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a décidé de porter plainte en diffamation et après réflexion, de la maintenir.
« Point de clivage fondamental »
En faisant le choix d'engager le débat sur le terrain des valeurs, et de créer un clivage, Jean-François Copé espère gagner les voix des militants de l UMP. Lutte contre l’assistanat, fin des 35 heures, baisse du coût du travail et TVA anti-délocalisations pour la compétitivité des entreprises, en réalité sur tous ces points, l actuel secrétaire général de l’UMP et l ex-Premier-ministre n’affichent pas de différences marquées. Jean-François Copé fait surtout le pari, en s alignant ainsi sur le Sarkozy du second tour de la campagne présidentielle, de voir en eux des nostalgiques d’un certain type de discours droitier de l’ancien président.
Dans le camp de François Fillon qui mène la course sous la bannière du «rassemblement de la droite et du centre», la réponse la plus cinglante est venue du chiraquien François Baroin : «Certains pensent que Nicolas Sarkozy est remonté [sur François Hollande dans la dernière ligne droite de la présidentielle] avec ce type de discours, ce n'est pas vrai», a t-il déclaré, avant de trancher : c est une erreur d analyse. Pour l'ex-ministre, «ce sont des discours de minoritaires» alors que l'UMP «a vocation à rassembler la droite et le centre».
Il semblerait bien que la phrase d’Alain Juppé ait été prémonitoire. Le 28 août dernier, l’ancien président de l’UMP avait confié sur France Inter que « l’attitude vis-à-vis de l’Islam » serait « un point de clivage fondamental » dans la campagne pour la présidence de l’UMP.
Quelques mois en arrière, en juillet, le maire de Bordeaux, alors invité de Jean-Jacques Bourdin sur RMC, avait déclaré que l’UMP devait « faire un travail de clarification des valeurs » du parti. Alain Juppé avait saisi l’occasion pour réaffirmer les différences qui résident selon lui entre la ligne politique de l’UMP et le Front national.
Susie Bourquin