On sombre en France dans les profondeurs du pitoyable… La Une de l’hebdomadaire d’extrême droite Minute de mercredi comparait la ministre de la justice à un singe en titrant « Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane ». On se croirait revenu aux insultes raciales et aux caricatures antisémites qui fleurissaient lors de l’affaire Dreyfus. Minute se trompe d’époque. Toute la classe politique a condamné à l’unanimité le titre minable de l’hebdomadaire qui fait l’objet d’une enquête du Parquet et de trois plaintes pour injure raciale.
Forte mais blessée, Christiane Taubira a taxé lors du journal de France 2, cette Une « d’extrême violence » et a poursuivi en avouant : « J'encaisse le choc mais c'est violent pour mes enfants, pour mes proches et pour tous ceux qui ont une différence ». La ministre a reçu le soutien de toute la classe politique, des médias et des messages de réconfort de la part d’anonymes choqués. Du PCF qui condamne une couverture «raciste, minable et stupide» au Front national qui la juge «inadmissible et extrêmement choquante». Le président de l'UMP Jean-François Copé a qualifié la une de «profondément scandaleuse». «C'est vrai», a confié Christiane Taubira, «que j'ai choisi dans un premier temps de ne pas confier seulement à la justice la sanction de tels propos. Il faut que la justice passe bien entendu car le racisme n'est pas une opinion c'est un délit mais la justice ne peut pas porter toute la charge, la société doit aussi s'interroger». Pour la garde des Sceaux, l’existence d’une désinhibition des paroles racistes aujourd’hui est «incontestable»
De son coté, le premier ministre Jean-Marc Ayrault a saisi le procureur mardi soir en accusant : « Une parution comme celle-là, ce n'est pas de l'information, c'est une infraction qui appelle une sanction ». Dans son sillage, SOS Racisme, la Licra et le Mrap ont aussi porté plainte pour incitation à la haine raciale ou pour injure raciale contre l'hebdomadaire.
Enfermé dans ses idées d’un autre temps, le journal Minute poursuit sa provocation raciale en se défendant… de tout racisme. « Cette une est de mauvais goût mais c'est de la satire, et ce n'est pas un délit en France », a affirmé à l'AFP le directeur de publication de l’hebdomadaire Jean-Marie Molitor. Ce en quoi, il se trompe puisque les injures raciales sont en France considérées comme un délit. Qu’on se souvienne de l’ancien ministre de l'intérieur Brice Hortefeux qui a été condamné en juin 2010 pour injure raciale, à 750 euros d'amende et 2000 euros de dommages et intérêts pour injure à caractère raciale après une conversation sur le ton de la plaisanterie, en 2009 à l'université d'été des jeunes UMP à Seignosse, dans les Landes. Pourtant, Jean-Marie Molitor n’en démord pas : «Cette hystérie collective me dépasse, mais c'est une jolie publicité». Le journal qui se vante aussi d’avoir tiré ce numéro à 40 000 exemplaires…
Véronique Pierron
Pour en savoir plus :
SOS Racisme (site officiel)
La Licra (site officiel)
Le Mrap (site officiel)
Brice Hortefeux condamné pour injure raciale (Le Monde)