Humaniste, honnête, modérateur, conciliateur… c’est ainsi que Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes depuis juin 2011, est décrit par ses pairs et dans les média. Plutôt inhabituel pour un homme politique, mais il faut dire que son parcours l’est tout autant.
Né le 9 juillet 1948 à Marseille, Jean Leonetti est issu d’une famille de gauche, d’origine corse. A la suite du décès de son arrière-grand père, un berger mort foudroyé, son grand-père décide d’emmener toute sa famille à Marseille.
Ses parents sont tous deux instituteurs. Son père deviendra par la suite journaliste à Nice Matin et sa mère, auteur de romans historiques.
Mais cet homme de petite taille à l’accent du Sud ne se destinait pas à une carrière politique. Passionné de philosophie au lycée, il décide ensuite de poursuivre des études de médecine et choisit la cardiologie. « C’était la vision romantique du médecin qui m’intéressait, comme le héros de la Peste de Camus, » confie-t-il à Libération en septembre 2011. En 1977, il devient chef de cardiologie à l’hôpital d’Antibes à l’âge de 29 ans.
Pourtant issu d’une famille de francs-maçons (ses grands-parents, son père et son frère), la politique ne l’intéresse pas. Pour le moment. « Dans la famille, j’étais vu comme celui qui ne ferait jamais de politique. »
C’est le hasard qui le poussera dans cette direction. Dans les années 80, la fille du maire d’Antibes, avec qui il avait fait son internat, lui demande d’être le cardiologue de son père, Pierre Merli. Les deux hommes deviennent rapidement amis. En 1989, ce dernier le pousse à être sur sa liste. « Je lui dis que je ne veux pas faire de la politique. Il me dit : "Mais vous n’en ferez pas, vous vous occuperez de la culture." Alors, j’ai accepté.» Leonetti est alors élu conseiller municipal à Antibes et prend en charge la culture et les musées.
Il le restera jusqu’en 1995, l’année où il conquiert la mairie d’Antibes. En effet, Pierre Merli trop malade pour se représenter, pousse l’actuel ministre des affaires européennes, quelques semaines avant les municipales, à rejoindre la course. Il est élu à quelques centaines de voix près. Mais il garde un très mauvais souvenir de la campagne électorale. « J’ai reçu des menaces de mort, des cercueils chez moi.» L’ancien maire lui conseille alors de rejoindre un parti politique sans quoi il ne tiendra pas. Bien qu’ayant voté François Mitterrand en 1981, il choisit le parti radical, celui de Merli. « Cela m’allait bien, modéré, humaniste, républicain et européen,» explique-t-il à Libération.
Deux ans plus tard, sur les conseils du maire de Marseille Jean-Claude Gaudin, il se lance dans la course aux législatives. Hésitant au départ, il se laisse convaincre par son ami qui lui dit que c’est le seul moyen de rester maire d’Antibes. Il gagne les élections et devient député des Alpes Maritimes. Il sera réélu en 2002 et 2007. Il est, par ailleurs, toujours le maire de sa ville.
En 2002, il est également élu président de la Communauté d’agglomération de Sophia-Antipolis.
Mais Jean Leonetti ne se fera connaître du grand public qu’en 2004 lorsque Jacques Chirac lui confie une mission parlementaire sur l’accompagnement en fin de vie, suite à la médiatique affaire Vincent Humbert. Sa personnalité et sa profession de cardiologue fait de lui l’homme tout désigné pour provoquer ce type d’avancée éthique et médicale. Pari réussi puisque son rapport conduit, le 22 avril 2005, à la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, votée à l’unanimité par l’ensemble des députés.
En 2004 également, le maire d’Antibes devient premier vice-président du groupe UMP de l’Assemblée nationale. Lorsque Jean-François Copé devient le nouveau patron des députés UMP en 2007, les deux hommes s’entendent immédiatement. Le très ambitieux maire de Meaux s'appuie sur le sens de la diplomatie de Leonetti pour régler les tensions dans la majorité ou avec l'exécutif. Chaque mardi, lors du point-presse du groupe UMP, Jean-François Copé n'hésite pas à donner la parole à cet homme dont la mesure contraste avec certains députés de l'aile droite de l'UMP.
Et l’homme qui clamait jadis n’avoir aucune ambition politique a petit à petit pris gout au jeu. En novembre 2010, alors qu’un énième remaniement ministériel est annoncé, Jean Leonetti est reçu à l’Elysée. Il espère alors devenir le prochain ministre de la Santé. Mais c’est raté. C’est Nora Berra qui est choisit.
Il ne se montre cependant pas vindicatif. Bien au contraire. En mai 2011, il décide de rejoindre le bureau politique de l’UMP. Selon certain, c’est sa façon d’exprimer son désaccord avec la stratégie opérée par Jean Louis Borloo, qui cherche à s’affranchir du parti à travers l’alliance centriste Ares nouvellement créée ; mais aussi de montrer sa loyauté envers le président.
Et lorsque Libération lui demande quels sont ses sentiments face à une UMP qui vire au tout sécuritaire, il répond : «L’UMP, dont je suis un des 20 membres fondateurs, c’est une famille. On n’est pas obligé d’aimer tout le monde, mais, ce qui m’importe, c’est que le courant social et humaniste y ait sa place (…) A la différence de mon ami Jean-Louis Borloo, je crois que cela reste possible.»
Il lancera toutefois, mi-juin 2011, un club de réflexion baptisé “République et humanisme”, qui rassemble une trentaine de députés UMP.
Le 29 juin 2011, sa fidélité est récompensée. A la surprise générale, il est nommé, suite au 12eme remaniement ministériel du Premier ministre François Fillon, ministre chargé des Affaires étrangères. A l’âge de 63 ans, il entre enfin au gouvernement.
Mais les réactions face à sa nomination sont pour le moins mitigées. Personne ne comprend vraiment pourquoi on ne lui a pas donné le ministère de la Santé et surtout, ce qui, dans son parcours professionnel, le qualifie pour être en charge des affaires européennes.
Et si la classe politique des Alpes-Maritimes se réjouit de son entrée au gouvernement, notamment le député européen Gaston Franco qui espère disposer de nouvelles armes pour faire rayonner les couleurs azuréennes à Bruxelles, personne ne l’attendait là.
En effet, une grande partie des analystes et des hommes politiques y voient une façon pour Nicolas Sarkozy de le remercier de ne pas avoir suivi Jean-Louis Borloo, et surtout pour le chef de l'Etat de donner des gages aux centristes de l'UMP. Selon eux, ce geste démontre encore une fois que, pour le président, le ministère des Affaires européennes n’est qu’une sorte de strapontin qui sert à calmer d’éventuel déçu ou à satisfaire d’éventuels alliés.
Reste donc à Jean Leonetti de se mettre rapidement au niveau des dossiers européens et de montrer de quoi il est capable. Tache plutôt difficile étant donné qu’il n’a que dix mois avant la prochaine élection présidentielle pour faire ses preuves.
Pour l’ancien député européen Jean-Louis Bourlanges, le nouveau ministre aura peu de marges de manœuvre entre un hyper président qui veut avoir la mainmise sur la politique étrangère de la France et un ministre de tutelle aussi expérimenté et respecté qu'Alain Juppé. « Franchement, quel beau symbole de mettre un spécialiste des soins palliatifs aux Affaires européennes ! », déclare-t-il à l’Express au lendemain de la nomination de Jean Leonetti.
En dehors de son parcours politique, le maire d’Antibes est également membre de la commission des affaires sociales à l’Assemblée Nationale depuis 2007 et président de la fédération hospitalière de France depuis 2010.
Il est aussi auteur de trois livres, « le Principe de modération » (publié en 2003), « Vivre ou laisser mourir : Respecter la vie, accepter la mort » (2005) et « La République des valeurs : Une éthique du politique » (2006). Selon les critiques, chaque livre est une initiation à la philosophie humaniste, où il aborde notamment les sujets de société avec un sens de la psychologie peu commune en politique.
Sur le plan personnel, ce passionné de rugby est également un grand romantique. Il est marié à son amour de jeunesse, qui est aussi médecin mais spécialisée en hygiène et santé publique, qu’il a rencontré à l’âge de 13 ans. Ensemble, ils ont deux enfants dont l’ainé est lui aussi entrée dans la médecine.