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Nom: Pierre Sellal
Position actuelle: Directeur

Né le 13 février 1952 à Mulhouse, fils d'un ingénieur des Mines de Nancy, pied-noir d'Alger émigré en métropole avant la guerre, et d'une Lorraine « aux sentiments mixtes sur l'Allemagne », Pierre Sellal passe son enfance et son adolescence dans la région.

En 1973, il obtient une licence en droit à la faculté de droit et de sciences économiques de Strasbourg, avant de rejoindre l’ENA deux ans plus tard. Il rêve alors de devenir directeur du Louvre ou de l'Opéra de Paris.

Mais c’est au Quai d’Orsay qu’il débute sa carrière de diplomate, en 1977. A l’âge de 25 ans, il obtient son premier poste en tant que secrétaire des Affaires Etrangères à la direction des Nations unies.

Il est ensuite nommé conseiller technique au Cabinet du ministre du Commerce Extérieur du dernier gouvernement Barre, qui est alors Michel Cointat ; puis conseiller à la Représentation permanente de la France auprès des Communautés Européennes à Bruxelles. En 1984, il devient chef de service à la Direction des hydrocarbures du Ministère du Redéploiement industriel et du Commerce extérieur.

Un an plus tard, M. Sellal est nommé secrétaire général adjoint du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne. Il occupe ce poste pendant cinq ans avant d’être envoyé à l’ambassade de France à Rome, en qualité de ministre conseiller. Là-bas, il réussit à vivre son rêve d’énarque. Il organise la production, avec Placido Domingo, de la Tosca de Puccini sur les lieux mêmes de l'opéra, dont le deuxième acte se joue au Palais Farnèse, siège de l'ambassade de France. « Après, je pouvais partir. Vivre à Rome est la chose la plus délicieuse, mais on a très vite le sentiment d'une opérationnalité qui s'étiole. » Car Pierre Sellal veut être dans le coup.

En 1992, il retourne donc à Bruxelles, cette fois-ci en tant que représentant permanent adjoint de la France auprès des Communautés européennes, au moment où le traité de Maastricht est mis en place.

Il revient à Paris en 1997. Il débute l’année comme directeur de la coopération européenne au Quai d'Orsay. Mais en juin de cette même année, le socialiste Hubert Védrine tout juste nommé ministre des Affaires étrangères par le Président Chirac, le choisit comme directeur de son cabinet. Cette décision surprend quelque peu puisque Sellal est considéré comme un homme de droite, et plus précisément comme un giscardien… enfin par les socialistes. Car en 1996, le giscardien Hervé de Charette avait également souhaité en faire son directeur de cabinet dans le gouvernement Juppé mais  l'Elysée n'avait pas voulu, au prétexte qu'il était apparemment… socialiste. Mais Pierre Sellal est là pour servir la France, quelles que soient les circonstances, quel que soit les orientations politiques. Le duo fonctionne très bien. Il est d’ailleurs très vite surnommé le « vice-ministre » et accompagne Védrine dans ses grands chantiers de modernisation du Quai d’Orsay.

En mai 2002, il devient représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne à Bruxelles. Il est, de ce fait, élevé au titre d'ambassadeur de France, l'équivalent d'un bâton de maréchal destiné à récompenser les diplomates français les plus méritants. Cette nomination n’est une surprise pour personne puisque Sellal a consacré une grande partie de sa carrière à l’Europe. 

Ses débuts en tant que représentant permanent sont toutefois quelque peu difficiles. Il doit faire face au non français et irlandais à la Constitution européenne. Mais pour l’ambassadeur, pas question de se laisser aller : « le peuple français s'est prononcé. Il ne nous appartient pas de nous livrer à une exégèse de son vote. Ce n'est pas une raison pour raser les murs », lance-t-il à ses troupes.

Cet échec n’entache en rien sa réputation. Son expérience incomparable des arcanes communautaires amène même l'Elysée à prolonger son mandat au moins pour la durée de la présidence française de l’UE débutant en juillet 2008.

Pendant six mois, l'homme de la France à Bruxelles, c’est lui. Pur produit de la filière européenne du Quai d'Orsay, cet homme chaleureux, grand amateur de bandes dessinées semble être le choix le plus logique.

Intelligent, sarcastique, c'est aussi un grand travailleur. Réaliste sur la fin du rêve fédéral, Pierre Sellal est moins pessimiste qu'Hubert Védrine sur la capacité d'influence de la France dans l'Europe élargie. Il vante la vision française de l'Europe. Son humour et son charme ne sauraient masquer sa détermination et sa capacité à inventer des compromis. « J'ai rarement vu un diplomate capable de comprendre aussi vite ce que je souhaite », complimente le président de la République. Pierre Sellal fut séduit par Nicolas Sarkozy lorsque, ministre des Finances, celui-ci négocia à Bruxelles le renflouement d'Alstom. Pendant la campagne présidentielle, il conseilla le candidat UMP et fut de ceux qui lui soufflèrent de renoncer à tout référendum institutionnel.

En effet, son interlocuteur naturel, c'est l'Elysée. « On ne survit que si on reste dans une loyauté totale de la ligne du président. J'ai bâti des argumentaires pour justifier la position de Chirac sur la Turquie et je mets en forme avec la même loyauté la position du président Sarkozy », assume-t-il…au prix tout de même de quelques doutes sur ses convictions. « Avec Elisabeth Guigou, sous François Mitterrand, il était très proeuropéen. Sous Védrine, il était védrinien. C'est ce qu'on doit appeler un très bon haut fonctionnaire », critique Sylvie Goulard, présidente du Mouvement européen France, qui regroupe pro-européens de gauche et de droite.

Il joue donc un rôle-clé pendant la présidence française. Il est sur tous les fronts. Dans un entretien au Mouvement européen France, il explique sa mission : « En période de présidence, ce rôle prend une importance particulière : ce sont en effet les fonctionnaires de la RP qui sont chargés de présider la plupart des travaux et enceintes préparatoires du Conseil. C’est un exercice passionnant et délicat : la représentation permanente doit mettre en œuvre les grandes orientations de la présidence définies à Paris, en adaptant la méthode et les propositions de compromis à l’équilibre des discussions avec les 27 Etats membres et les autres institutions. Car l’exercice d’une présidence ne consiste pas à décider et imposer, mais à convaincre et à rallier l’ensemble des acteurs concernés, à résoudre l’équation à 27 inconnues qui constitue la clé d’une décision au Conseil et à être l’interlocutrice privilégiée de la Commission et du Parlement européen, notamment dans l’exercice de la procédure de codécision où la présidence représente le Conseil. »

Il l’avoue lui-même, c'est du "non stop", sept jours sur sept, avec des horaires démentiels. Son domicile étant situé tout à côté de la Représentation permanente, il passe quasiment du lit au bureau et vice versa. « Aujourd'hui, je suis deux fois ministre », plaisante-t-il en mars, 2008 alors qu'il remplace Rachida Dati (justice) et Brice Hortefeux (immigration) absents pour cause d'élections municipales.

Parfois, il mène lui-même la bataille. Pendant longtemps, il bloque un accord de lutte contre la fraude à la TVA demandé par Londres, parce qu'un engagement britannique sur le budget européen n'avait pas été honoré. Les coups de fil de Gordon Brown à son homologue à Bercy, Thierry Breton, n'y feront rien. « J'ai bloqué seul. Avec l'assurance que l'Elysée ne céderait pas. »

Par ailleurs, Pierre Sellal abreuve la presse avec finesse ; en tous cas assez pour faire croire que sa présentation est objective. Qu'un correspondant français à Bruxelles cite anonymement « un diplomate », il s'agit de lui. Le Français mène aussi la bataille dans les médias anglo-saxons et s'était aussi acoquiné avec les journalistes du Financial Times. « Il y a toujours des exercices de manipulation assez savoureux, ironise-t-il. Je leur livrais des éléments quand le FT avait pour tête de Turc Peter Mandelson. » Le commissaire européen était la bête noire de Gordon Brown à Londres et de Paris sur le commerce.

Selon son épouse, Sylvie Forbin, diplomate sinisante et japonisante, spécialiste de l'audiovisuel et directrice des relations institutionnelles du groupe Vivendi, il a le virus de l'Europe, où il est à la fois négociateur, homme politique et surtout « spin doctor » - conseiller en communication. « Il n'existe pas de politique étrangère si on n'est pas capable de l'exprimer », affirme-t-il. A Bruxelles, vase clos mais transparent, celui qui s'impose est celui qui argumente.

Lorsqu’il fait le bilan de ces six mois, Sellal explique que le plus délicat à gérer a été les situations d’urgence, notamment la crise géorgienne ainsi que la crise financière de l’été 2008. « L’enjeu dans ces circonstances, pour la présidence, est à la fois d’être capable de réactivité, et de concilier l’impératif de l’action rapide avec le ménagement du consensus, à tout le moins la bonne implication de l’ensemble des Etats membres… en faisant en sorte non seulement que l’Europe s’exprime d’une seule voix sur un sujet aussi difficile que les relations avec la Russie ».

Le 14 avril 2009, il est nommé secrétaire général du Quai d'Orsay, en remplacement de Gérard Errera, qui a dépassé les 65 ans. Un autre poste avait cependant été envisagé pour M. Sellal, celui de secrétaire général du Conseil de l'Union européenne.

Toutefois, Paris aurait renoncé à ce poste afin de garder une chance d'obtenir celui de haut représentant pour les affaires étrangères. C'était le rêve du ministre de l'agriculture, Michel Barnier, qui s’est finalement rabattu sur le poste de commissaire européen au Marché intérieur et aux Services.

Dès son arrivée, Sellal est chargé par Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires étrangères et européennes, de diriger un groupe d’études pour améliorer la diplomatie culturelle, sujette à un véritable étranglement budgétaire et en pleine crise d’identité.

L’idée initiale est de couper le cordon entre les centres et les ambassades, sur le modèle de la Grande-Bretagne. Pour s'en sortir, les centres sont donc invités à développer leurs ressources propres : billetterie de spectacles, adhésions à la médiathèque et surtout cours de français.  Certains y parviennent mais d'autres souffrent et doivent annuler des activités.

Mais les ambassadeurs expriment leur inquiétude. Supprimer le lien reviendrait à priver l'Etat de sa « diplomatie d'influence », ce que les Anglo-Saxons nomment le soft power. Comment éviter, en outre, une programmation coupée des réalités locales, source éventuelle d'incidents diplomatiques ? Pierre Sellal les entend et recommande un simple toilettage de l'existant.

 

Par ailleurs, en février 2011, Pierre Sellal fait la une des journaux au coté d’Hubert Védrine sur l’affaire Karachi. « Le Monde » obtient l’autorisation de consulter une note confidentielle, versée au dossier d'instruction du juge Marc Trévidic, chargé de l'enquête sur l'attentat de Karachi.

 

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Le document, transmis par le Quai à la demande du juge, pourrait éventuellement conduire le magistrat vers de nouvelles pistes. Elle pose en effet la question du degré de connaissance qu'ont eu les socialistes, revenus au pouvoir en 1997, sur les conditions douteuses dans lesquelles la vente de sous-marins français au Pakistan – le contrat Agosta – avait eu lieu trois ans plus tôt, en 1994, sous le gouvernement Balladur.

La note, datée du 29 août 1997, est signée de Pierre Sellal, alors directeur de cabinet du ministre Hubert Védrine. Elle est adressée à son ministre. "Le gouvernement pakistanais aurait décidé de lancer une offensive politique 'mains propres' qui pourrait avoir des conséquences délicates pour nous, écrit M. Sellal. L'affaire de la vente de sous-marins Agosta qui ferait l'objet d'une enquête pourrait en effet impliquer d'anciens ministres de la défense (MM. Pierre Joxe et Léotard) et M. Nicolas Bazire. Il faut se préparer à évoquer l'affaire à un niveau élevé avec les Pakistanais pour obtenir de leur part une certaine retenue. Sous réserve de développements d'ici là, un entretien avec le ministre pakistanais à New York pourrait en être l'occasion".

Une annotation manuscrite, figurant sous une flèche pointant la phrase où sont cités Joxe, Léotard et Bazire, précise en outre : "Si cela progresse, il faudra les prévenir".

Si aujourd’hui, le numéro deux du Quai d’Orsay a l’air ravi d’occuper ce poste, son cœur semble être resté en Europe. Le haut diplomate français lorgne en effet sur le poste de secrétaire général du service commun d'action extérieure (SCAE), que Catherine Ashton, haute représentante pour les Affaires étrangères de l'Union européenne compte mettre en place le plus rapidement possible. Cependant, Pierre Sellal devra concourir contre plusieurs diplomates, y compris le favori de Mme Ashton, l'irlandais David O'Sullivan, directeur général à la Commission.

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