Dimanche, les rues de Paris s’étaient transformées en champs. Campagne surréaliste où les pavés s’étaient nappées de gerbes de blés et de foin où paissaient en passant des troupeaux de brebis, de belles vaches tachetées et des milliers d’agriculteurs qui s’étaient retrouvés pour réclamer de quoi vivre de leur métier. Un comble. Plus de 11 000 manifestants selon la FNSEA, 6 200 selon la police. Parmi eux, Daniel. Il est éleveur et a repris 10 ans plus tôt, l’exploitation agricole de ses parents. Il gagne aujourd’hui 1 000€ par mois. Sur la pancarte qu’il porte à bout de bras, on peut lire : « Avant j'avais un revenu. Mais c'était avant ». A coté, un moustachu un peu bourru tient un coin de banderole où est écrit : « Un élevage qui ferme c'est 7 emplois en moins » et à coté encore : « Sans agriculture, pas de nourriture ».
Ils se sont tous mis à marcher à l’appel de la Fédération des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et des Jeunes Agriculteurs (JA) pour protester contre les charges qui augmentent, les contraintes qui s’empilent, les règlements qui parfois se contredisent et les prix des matières premières qui augmentent et surtout les prix bloqués et les revenus qui fondent. Ce sont les tracteurs qui ouvrent ce drôle de cortège. Sur leurs frontons, les panneaux annoncent la couleur : « Prix du lait : la grande distribution nous trait ». La manifestation s'est achevée au « Village agricole » des Invalides, autour d'un champ de blé et de stands de dégustation. Réjouissances qui n'ont pas éclipsé la colère et les présidents des syndicats ont rappelé que le 12 avril, les agriculteurs avaient déposé leurs cahiers de doléances en préfecture. François Thabuis, président des Jeunes Agriculteurs prévient que « Ce n'est pas un mouvement d'humeur » avant d’ajouter : « Dans quel métier accepte-t-on un système qui fait travailler à perte? ».
Un rapport de force défavorable avec la grande distribution
Le président de la FNSEA, Xavier Belin estime qu’ « Un effort immédiat sur les prix est impératif ». « Nous sommes confrontés à la logique de marchés dont les prix sont fixés à Chicago ou ailleurs et qui font du yoyo depuis 2007, du plus haut au plus bas », accuse encore Xavier Belin. Il évoque ensuite la fluctuation des cours des céréales et autres grandes cultures nécessaires à l'alimentation animale et ajoute que « personne dans ce pays ne supporte l'augmentation des prix des aliments » en visant directement les grandes enseignes. Le président de la FNSEA poursuit : « Le rapport de force avec la grande distribution nous est systématiquement défavorable, or, chaque fois qu'on perd, ce sont des exploitations qui disparaissent ». Il réclame « des négociations équitables » qui doivent être garanties par la révision de la loi de consommation (ou LME) qui arrive au Parlement.
La LME qui régit les relations entre producteurs et distributeurs, apporte aux agriculteurs quelque espoir en prévoyant « une clause de renégociation ». Ils réclament la généralisation d'un étiquetage « Viande de France » dans les rayons pour contrer les importations déloyales. Comparé à l'Espagne ou l'Allemagne, « le différentiel de prix, de 4 à 6 euros par heure travaillée, est insupportable à l'heure européenne », s’insurge Xavier Belin. Les éleveurs demandent aussi qu'on allège les contraintes administratives trop pesantes et que cesse « toute surenchère réglementaire et fiscale » notamment en matière d'environnement. D'autant que les intempéries les ont souvent obligés cette saison à rentrer les bêtes quand les pâtures étaient inondées et que les foins n'ont pu être coupés. Ce qui alourdira d'autant leurs factures en fourrages.
Véronique Pierron
Pour en savoir plus :
La FNSEA (Site officiel)
Les Jeunes Agriculteurs (Site officiel)
La loi de consommation (Le Monde)