Une querelle entre la France et le Maroc suspend les accords de coopération judiciaire

lundi 3 mars 2014
Crédit : Elysée

La semaine dernière, 7 policiers français se sont rendus à l’ambassade du Maroc en demandant à voir Abdellatif Hammouchi, le chef de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) marocain, en déplacement en France.  Le patron du renseignement marocain faisait l’objet d’une convocation délivrée par un juge d’instruction français. Quatre plaintes ont en effet, été déposées en France pour des faits de torture dans le centre de Temara, au nord du Maroc,  gérée par la DGST dirigée par Abdellatif Hammouchi. La première a donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire par des juges parisiens fin 2013.

Elle avait été déposée par Adi Lamtasi, un ressortissant franco-marocain condamné à dix ans de prison au Maroc pour trafic de stupéfiants. Le jeune homme de 33 ans  affirme avoir été arrêté en octobre 2008 près de Tanger, puis torturé pendant trois jours à Temara avant d’être obligé, selon lui, à signer des aveux. Devant le tribunal marocain, Il a nié les faits qui lui étaient reprochés, mais a été tout de même condamné en novembre 2008, à 10 ans de prison pour détention et trafic de cannabis. Par la suite,  Il a été transféré en France pour y purger sa peine. Abdellatif Hammouchi est visé dans cette plainte pour complicité de torture. Tout comme dans le cas d'une autre plainte déposée jeudi 22 février au parquet par un Marocain de 44 ans, Ennaâma Asfari également militant sarahoui .

Suspension des accords de coopération judiciaires entre la France et le Maroc

Suite à l’intervention policière à l’ambassade du Maroc à Paris, l’ambassadeur de France au Maroc a été convoqué samedi au ministère des Affaires étrangères à Rabat. Tensions. Paris s’est efforcé de les apaiser et le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a qualifié l’intervention des policiers contre Abdellatif Hammouchi, d’ « incident grave et inédit dans les relations entre les deux pays ». Dans la foulée, François Hollande a pris son téléphone pour adresser au roi Mohammed VI « un message de confiance et d’amitié ». 

Gestes d’apaisement  dont ne se satisfont de toute évidence pas les autorités marocaines comme l’a clairement énoncé le porte-parole du gouvernement marocain, Mustapha Khalfi, lors d’un point presse : « Nous n'avons reçu aucune explication à propos de la visite des sept policiers français venus interroger le directeur de la Direction générale de la surveillance du territoire ». Plus incisif, il a poursuivi : « C'est une attaque contre l'intégrité du système judiciaire marocain (...), c'est pourquoi nous avons décidé de suspendre toute coopération judiciaire avec la France, dans l'attente d'une nouvelle version de ces accords ».

Ce qui laisse clairement sous entendre que Rabat souhaitait leur renégociation. Une décision qui bloque l’envoi de commissions rogatoires françaises au Maroc et les procédures en matière de divorce, mariage et garde d’enfants pour les binationaux.  « Nous avons donné des explications utiles, regretté des incidents qui ont pu se produire, déploré qu'on puisse donner à cette situation un tour qu'elle ne devait pas avoir et j'espère bien que tout cela appartiendra, si ce n'est déjà fait, au passé », s’est défendu Laurent Fabius.

 

Une nouvelle plainte va-t-elle mettre le feu aux poudres ?

Toutefois, une nouvelle plainte déposée par l’ancien champion de boxe light-contact Zakaria Moumni  risque de mettre une nouvelle fois le feu aux poudres car Abdellatif Hammouchi jusqu’alors accusé de complicité de torture est cette fois soupçonné de torture pure et simple. Dans cette plainte formulée devant le pôle génocide et crimes contre l'humanité du Tribunal de Grande Instance de Paris, Zakaria Moumni affirme avoir «aperçu Abdellatif Hammouchi lors d'une des séances» de sévices qu'il affirme avoir subies au centre de détention de Temara.  L’ancien boxeur avait été arrêté en septembre 2010 à son arrivée au Maroc  et affirme avoir signé sous la torture des aveux selon lesquels il aurait soutiré à deux marocains 1 200€ en échange de la promesse de leur trouver un travail en Europe. Condamné ensuite à 30 mois de prison en appel, il avait été libéré en février 2012 après 17 mois de détention, suite à une grâce du roi Mohammed VI. 

 

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

Abdellatif Hammouchi (Tel Quel online)

Ennaâma Asfari (L'Humanité)

Le pôle génocide et crimes contre l'humanité du Tribunal de Grande Instance de Paris (Le Monde)

 

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