Ministre du Commerce extérieur : Qui est Nicole Bricq ?

vendredi 27 juillet 2012

Cette femme de tête spécialiste des finances publiques, qui défend la « social-écologie », se dit « réformiste » et « toujours tendre avec les faibles et dure avec les forts », doit mettre en œuvre la « transition écologique » prônée par François Hollande. Cette passionnée de football déclare : « On dit d'un homme qu'il a du caractère, mais d'une femme qu'elle a mauvais caractère. J’ai le mien ». Elle ajoute : « Je me suis faite moi-même, j'ai mes convictions ! ». Ses convictions l’ont notamment menée à l’Assemblée nationale, au Sénat, et, le 16 mai 2012, à la tête du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie dans le gouvernement Ayrault.

 

L’engagement politique d’une « travailleuse » « déterminée »

Nicole Bricq est née le 10 juin 1947 en Charente, à La Rochefoucauld. Cette « militante », fille de boucher qui « a été élevée à la dure » est « une travailleuse » selon son frère, Lucien Vayssière. Il déclare également que la « détermination » de cette femme « courageuse » est « le fruit d’une éducation familiale » où « trois valeurs priment : le travail, la responsabilité et l’austérité ! » Après avoir terminé ses études en droit privé à l’université de Bordeaux en 1970, elle commence sa carrière en tant que cadre de direction, d’abord responsable d’agence, puis directrice des ressources humaines et de la communication au Crédit social des fonctionnaires.

En 1972, elle adhère au PS - à la fédération de Paris dont elle devient rapidement première secrétaire - et plus particulièrement au courant animé par Jean-Pierre Chevènement, le CERES (Centre d’études, de recherche et d’éducation socialiste). Courant dont elle s’éloigne progressivement jusqu’à la rupture en 1991, en raison de son désaccord avec les positions anti-européennes et le refus de l’engagement de la France dans la guerre du Golfe. Elle rejoint alors le courant de Dominique Strauss-Kahn « Socialisme et Démocratie » mais, n’ayant « pas accepté qu’il remette les clés (…) à Cambadélis (…) un tacticien », elle s’en désolidarise lors de sa succession en 2007, pour ensuite se rapprocher de François Hollande (en 2009).

Son frère raconte qu’en 1975, son expérience au Portugal où s’est déroulé la révolution des œillets l’a « marquée » et « l’a confortée dans son idéal ».

 

Du conseil régional à la commission des finances du Sénat

Dans les années 80, Nicole Bricq débute sa carrière politique comme conseillère régionale d’Île-de-France. Elle est élue en 1986, date à partir de laquelle les conseillers régionaux sont élus au suffrage universel. Au sein de ce conseil régional, elle préside la commission de la culture.

En 1988, elle intègre le cabinet du ministre de la Défense, Jean-Pierre Chevènement, en tant que conseillère technique. Elle y reste jusqu’en 1990. Puis, de 1992 à 1993, elle devient conseillère technique au sein du cabinet du ministre de l’Environnement, Ségolène Royal.

En 1993, elle travaille au sein de l’entreprise Éco-emballages, jusqu’en 1996, lorsqu’elle prend la direction du cabinet du président su SAN (syndicat de l’agglomération nouvelle) de Marne-la-Vallée-Val-Maubuée, Daniel Vachez.

En 1997, elle remporte les élections législatives dans la 6e circonscription de Seine-et-Marne face à Jean-François Copé. Fonction de députée qu’elle exercera jusqu’à la fin de la législature, en 2002. Durant son mandat, elle devient l’une des deux premières femmes, avec Béatrice Marre, membres de la commission des finances (1998 à 2002). Dans ce cadre, elle rédige, en 1998, un rapport sur la fiscalité environnementale, dans lequel elle prône notamment la mise en œuvre du principe du « pollueur-payeur ». Elle siège aussi à la commission de la production des échanges, dont elle est vice-présidente en 1997, et à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Elle fait également partie de deux commissions d’enquête - sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et la protection des personnes et de l’environnement en cas d’accident industriel majeur (mise en place après le drame de l’usine AZF) et sur la situation dans les prisons françaises - de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi organique relative aux lois de finances, de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et enfin de l’office parlementaire d’évaluation des politiques publiques.

En 1999, le Premier ministre lui confie une mission de réflexion et de concertation sur la transposition de la directive européenne relative au marché intérieur du gaz, qui donne lieu à un rapport le 27 octobre 1999.

En 2001, elle siège comme conseillère municipale de Meaux, poste dont elle démissionne en 2006, afin de laisser la place à la « jeune génération ».

En 2003, elle participe à la création de l’association « Respire », qui a pour but de préparer des propositions dans le domaine du développement durable.

En 2004, elle prend les fonctions de conseillère au cabinet du président de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon.

Mais 2004 marque surtout son entrée au Sénat. Elle devient sénatrice de Seine-et-Marne et siège à la commission des finances, dont elle est élue vice-présidente en 2008. Elle est également membre de deux groupes d’études : « économie agricole alimentaire » et « trufficulture ». De plus, elle est rapporteur de la mission « veille et sécurité sanitaire » et rend en 2006, un rapport d’information sur l’approche critique de la mise en œuvre des moyens de lutte contre la grippe aviaire et, en 2007, le rapport « les agences de sécurité sanitaire : de la réactivité à la stratégie ».

En 2008, elle rejoint le pôle écologique du PS, elle soutient la motion « pour un socialisme écologique » lors du congrès de Reims.

Puis en 2009, elle fait partie du nouveau groupe de travail sur la fiscalité environnementale du Sénat, présidé par Fabienne Keller, qui est à l’initiative du rapport d’information « En attendant la taxe carbone… Enjeux et outils de la réduction des émissions de CO2 ».

En vue des présidentielles, dès 2009, elle soutient François Hollande. Dans son équipe de campagne, Elle est en charge du volet fiscalité.

Elle est réinvestie au Sénat en 2011, où elle succède à Philippe Marini (sénateur UMP) en tant que rapporteur général au sein de la commission des finances, après le basculement à gauche de la chambre haute. Elle est la première femme à occuper ce poste d’influence.

Outre ses diverses fonctions, au cours de sa carrière, elle est devenu membre de plusieurs organismes : la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, le conseil de l’immobilier de l’État et l’observatoire de la sécurité des cartes de paiement.

 

La nomination polémique d’une spécialiste de la fiscalité « à la culture écologique affirmée » saluée

Peu après l’élection de son champion, François Hollande, défendant la parité, elle appelle le nouveau gouvernement à ne pas créer des « Hollandettes », c’est-à-dire à ne pas recourir à une parité purement cosmétique, mais à placer des femmes aux postes de premier plan. Le 16 mai, la voici nommée numéro 8 du gouvernement Ayrault, au poste de ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie.

Parmi les qualificatifs utilisés à son égard : sérieuse, rigoureuse voire « raide » pour certains. À ceux qui disent qu’elle n’a pas vraiment le sens du compromis, elle répond : « Je suis bonne fille mais c'est vrai que je ne copine pas. Je ne me vois pas dire ses quatre vérités à quelqu'un dans l'hémicycle et, après, aller boire un coup à la buvette en se tutoyant. C'est très masculin, ça ! »

Si elle est spécialiste des questions de fiscalité et de finances publiques, elle est loin d’être novice dans le domaine écologique (travail sur la fiscalité environnementale et la taxe carbone, lutte contre le gaz de schiste, adhésion au pôle écologique du PS, etc.) Pourtant, pressentie au Budget ou à l’Économie, elle est la première surprise de se voir attribuer ce maroquin. Elle aurait même demandé cinq minutes de réflexion avant d’accepter la charge ministérielle. Elle avoue : « Je suis un peu étonnée. Mais je suis un soldat ». Dans une interview au Télégramme, elle concède que sa nomination au ministère du Budget « aurait été sans doute logique » et elle ajoute : « Mais le président avait besoin de quelqu'un qui tienne la route et qui respecte le cap fixé sur les dossiers qui sont désormais les miens. J'ai quand même de l'expérience sur ces sujets. »

Si certains sont inquiets quant à ce choix, d’autres sont sceptiques mais tempèrent, comme le porte-parole de la fondation Nicolas Hulot, Benoît Faraco : « Il tient maintenant au Premier ministre de garantir que l'Écologie n'est pas un strapontin, notamment face à Bercy et au ministère du Redressement productif », ou le directeur général de Greenpeace, Jean-François Julliard qui jugera « sur pièces » tout en ajoutant que son profil est intéressant : « Elle va pouvoir faire le lien entre le monde économique et le monde écologique, un lien qui n'est pas souvent fait. » D’autres considèrent en effet que ses compétences fiscales couplées à son engagement de longue date constituent de véritables atouts pour relever les défis écologiques qui l’attendent. Ainsi son arrivée à la tête du ministère a été saluée, notamment par des associations telles que France nature environnement (FNE) et le WWF.

FNE la qualifie de « ministre à la culture écologique affirmée » et lui reconnaît une légitimité à ce poste car « mobilisée contre les gaz de schiste et à la pointe du combat contre les dispositifs fiscaux nuisibles à la biodiversité », « elle a engagé un dialogue constructif avec les ONG en général, et avec FNE en particulier. » L’association voit également d’un bon œil le retour du portefeuille de l’énergie dans le giron du ministère de l’Écologie et de la nouvelle ministre qui a notamment travaillé sur les questions énergétiques.

Selon WWF, cette « spécialiste de la fiscalité écologique et de la transposition de la directive sur le marché du gaz » « représente un gage de sérieux et de crédibilité pour mieux intégrer l’environnement au cœur du budget et des politiques publiques. »

En effet, celle qui doit mettre en œuvre la « transition écologique » entend y parvenir notamment par le biais de la fiscalité.

Anne Laure Chanteloup

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