La disparition de Richard Descoings, le 3 avril 2012, a été suivie par une crise de succession à la tête de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris. Pas moins de deux procédures de recrutement, qui ont donné lieu à de nombreuses critiques, ont été nécessaires pour désigner le nouveau directeur de Sciences Po.
Une procédure de nomination polémique et riche en rebondissements
Le choix des présidents de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) et du conseil de direction, Jean-Claude Casanova et Michel Pébereau, pour qui il y avait « urgence », s’était porté, en octobre, sur le directeur des études et administrateur provisoire Hervé Cres. Mais, sur fond de scandale sur la gestion budgétaire du prestigieux établissement révélé par un rapport de la Cour des comptes, cette nomination a été retoquée par la ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso.
Une nouvelle procédure a donc été enclenchée. Les rebondissements se sont succédés : abandon de l’un des trois derniers candidats en lice, Louis Vogel, ancien président de Paris II-Assas et de la Conférence des présidents d’université, considérant que le comité ne respectait pas les critères de sélection établis ; refus du retour dans la course de Christine Musselin et de Jean Pisani-Ferry ; repêchage du candidat Jean-Michel Blanquer et mobilisation des étudiants de l’IEP qui dénonçaient une « procédure opaque ». C’est finalement Frédéric Mion - avec un projet écrit qui « a pu paraître un peu faible ou insuffisant » mais peaufiné à l’oral selon les propos, relayés par le Monde, de l’intéressé au brillant parcours, qui a reconnu mal connaître Sciences Po mais être « à l’écoute », selon le Nouvel Observateur - qui a remporté les suffrages face aux universitaires Jean-Michel Blanquer et Andrew Wachtel le 1er mars (24 voix sur 29 à la FNSP et 18 voix sur 29 au conseil de direction). Geneviève Fioraso a annoncé, ce mercredi 27 mars, avoir avalisé sa nomination. Le 28 mars, elle le désigne administrateur de la Fondation nationale des sciences politiques par arrêté et François Hollande le nomme directeur de l’Institut d’études politiques de Paris par décret, décisions publiées au Journal officiel de la République française le 29 mars – les deux fonctions sont traditionnellement dévolues à la même personne.
Dans ses nouvelles fonctions, d’une durée de cinq ans, il entend poursuivre les chantiers de son prédécesseur, tels que la création d’une école d’affaires publiques et le renforcement de l’ouverture sociale. Pour mener à bien l’une de ses premières missions, trouver de nouvelles sources de financement, il envisage le développement de la formation continue et la collecte de dons auprès des entreprises et des anciens élèves.
De la haute fonction publique au secteur privé… à Sciences Po
Frédéric Mion, originaire de Montpellier, est diplômé de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, de l’École nationale d’administration, promotion Victor Schœlcher de 1996 dont il est sorti major, et bien sûr de l’institution qu’il doit aujourd’hui diriger (en 1992). Il a, en outre, étudié à l’université de Princeton.
Dès 1996, il se voit confier, par Richard Descoings, la responsabilité de la section service public et de la préparation aux concours administratifs de l’IEP, jusqu’en 1998. Il est alors choisi par Jacques Attali pour être rapporteur de la commission sur la réforme de l’enseignement supérieur. C’est également en 1996 qu’il entre au Conseil d’État en tant qu’auditeur, puis accède au titre de Maître des requêtes en 1999. L’année suivante, il rejoint le ministère de l’Éducation nationale comme conseiller budgétaire au cabinet de Jack Lang. Il occupe ensuite le poste de directeur adjoint du directeur général de l’administration et de la fonction publique jusqu’en 2003, date à laquelle il intègre le cabinet Allen & Overy LLP. En 2007, il quitte sa fonction d’avocat spécialisé en droit public des affaires pour celle de secrétaire général du groupe Canal+.
Les instances dirigeantes de Sciences Po ont plébiscité ce conseiller d’État de 43 ans, qui, n’étant pas enseignant-chercheur, a proposé de mettre en place un directeur scientifique. Sa nomination pour une période de cinq ans en tant que directeur de l’IEP a été officialisée par décret présidentiel du 28 mars publié au Journal officiel du 29 mars.
Anne-Laure Chanteloup