Conformément à la hiérarchie des normes, la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) aura eu le dernier mot dans l’affaire du désormais célèbre, « Casse-toi pov’con ». Mais l’institution européenne ne s’est pas contentée de donner raison à Hervé Eon, elle a aussi estimé qu’en condamnant ce militant du Parti de Gauche pour « offense au président de la République », la justice française avait porté atteinte à la liberté d’expression du concerné.
Le jugement vient mettre un terme à une affaire entamée en 2008. Lors d’une visite présidentielle en Mayenne, Hervé Eon avait accueilli Nicolas Sarkozy en reprenant à son compte une invective lancée par l’ancien Président à un homme refusant de lui serrer la main. Immédiatement interpellé, le militant de 56 ans fut alors poursuivi pour «offense au président de la République», un délit prévu dans la loi sur la liberté de la presse de 1881 et passible de 45.000 euros d'amende. Il avait finalement été condamné à une amende de 30 euros. Hervé Eon avait alors choisi de porter le dossier devant la CEDH. Une « question de principe », autant pour l’inculpé que pour son avocate. "Même si la condamnation a été très légère, il est ahurissant que ce monsieur ait été arrêté et poursuivi en justice" pour offense au chef de l'Etat, estimait Me Dominique Noguères.
Une telle décision a également été l’occasion de questionner la légitimité de ce délit très particulier. Car selon les juges européens, l’existence d’une telle infraction comporte le risque de « conférer aux chefs d'Etat étrangers un privilège exorbitant » de par le seul statut. Ils ne se sont d’ailleurs pas privé de se montrer une nouvelle fois critiques dans le dossier Eon, jugeant que «sanctionner pénalement des comportements comme celui de M. Eon est susceptible d'avoir un effet dissuasif sur des interventions satiriques qui peuvent contribuer au débat sur des questions d'intérêt général ».
Mathilde Leleu